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Les accusations d’antisémitisme contre Jeremy Corbyn n’ont aucun fondement
Article mis en ligne le 1er juillet 2022

Danielle Simonnet et Danièle Obono sont depuis plusieurs jours la cible d’attaques politiques et médiatiques aussi convenues qu’ignobles, de la part de dirigeants socialistes (B. Cazeneuve, D. Assouline), de la candidate PS dans le 20e arrondissement de Paris Lamia El Aaraje, de Patrick Haddad, mais aussi de la LICRA ou encore de journaux comme le Canard enchaîné et le Figaro. La raison ? D. Simonnet et D. Obono ont reçu l’ancien dirigeant du Parti travailliste britannique, Jeremy Corbyn, venu en personne à Paris les soutenir dans le cadre de la campagne législative en cours.

C’est à réfuter une nouvelle fois les mensonges proférés et répétés sur tous les tons et sur tous les plateaux concernant le prétendu « antisémitisme » de Corbyn (ou sa complaisance à l’antisémitisme) que s’attelle Thierry Labica dans cet article. T. Labica est notamment l’auteur d’un livre sur le corbynisme, intitulé L’hypothèse Corbyn, une histoire politique et sociale de la Grande-Bretagne depuis Tony Blair (éd. Demopolis, 2019).

Faut-il être à ce point aux abois, avoir si peu à proposer, tant à faire oublier, et vivre dans une si grande certitude de la déroute, pour s’emparer aussi désespérément des armes de la calomnie ? Les attaques lamentables dirigées par le PS (et la Licra) contre les candidates des 15e et 17e circonscriptions parisiennes, Danielle Simonnet et Danièle Obono, pour le soutien qu’elles ont reçu de la grande figure de la gauche britannique Jeremy Corbyn, incitent à voir les choses ainsi. Mais on reconnaît là aussi le registre de la panique morale qui invariablement accompagne la gauche dès lors qu’elle s’approche du pouvoir. Ce qui est vrai de la NUPES ces dernières semaines en particulier, l’a été de Corbyn, ou de Sanders qui, en particulier avec l’élue au Congrès Ilhan Omar, fut la cible d’attaques du même genre.

Documenter les décennies d’engagement antiraciste de Corbyn, et de sa lutte parlementaire et extra-parlementaire contre l’antisémitisme, c’est un peu comme devoir démontrer qu’il fait jour en plein midi à qui a réussi à se convaincre du contraire. Sa réputation, en la matière, est reconnue de toute part, de très longue date et concernant les accusations d’antisémitisme, on observera qu’elles ont été parfaitement inexistantes tout au long de sa longue carrière politique, jusqu’au jour de septembre 2015 où ce défenseur de la cause palestinienne a été, à une très large majorité, élu dirigeant du parti travailliste.

Par quel mystère ses opposants les plus virulents auront-ils réussi à ne pas voir, pendant plus de trente ans, la marque de l’infamie soudain pointée comme une évidence incontestable en 2015 ? L’éventualité de voir devenir premier ministre de la cinquième puissance mondiale une figure se revendiquant du socialisme, militant anti-guerre et défenseur du droit international, galvanisant toute une jeunesse n’ayant connu que les diverses nuances de dévastation néolibérale, devait, encore une fois, y être pour quelque chose.

Les accusations d’antisémitisme sont toujours graves et ne devraient en aucun cas être lancées à la légère. On est donc en droit d’exiger que la candidate PS, Me El Aaraje, indique la provenance de son chiffre de « 1000 plaintes enregistrées par ce parti », chiffre qui en vérité n’existe nulle part et relève de la pure improvisation. (...)

Si l’antisémitisme existe bel et bien dans la société britannique, non seulement rien n’a pu justifier la thèse d’un Labour en proie par un antisémitisme effréné, mais en outre, les données montrent une incidence des préjugés antisémites nettement inférieure, au sein du Labour, à ce qui prévaut dans e reste du pays en général (où ces préjugés sont entretenus par entre deux et cinq pour cent de la population). Sans surprise : c’est dans les classes d’âge les plus jeunes que Corbyn- et la gauche travailliste ont eu le plus d’écho et de soutien, soit, dans cette part de la population dans laquelle ces préjugés sont les plus rares. (...)

La même exigence s’applique aux déclarations de Ms. Cazeneuve, Haddad, Assouline ou pour la Licra, par simple souci de la crédibilité de la parole publique de « responsables ». En l’état, les uns et les autres assènent de grossières contre-vérités sur un rapport qu’ils n’ont pas lu, des décisions qu’ils n’ont pas suivies, des chiffres dont ils ne savent rien (quand tout ceci est aisément vérifiable et vérifié pour un peu que l’on juge encore opportun de se documenter) : comme l’a immédiatement signalé Me Simonnet, Corbyn a bel et bien été réintégré au Labour (par décision formelle du Comité exécutif national) et M Assouline ne sait manifestement pas de quoi il parle. Il fait en outre référence à un document (le rapport « accablant » de l’EHRC) dont il n’a manifestement pas lu la première page.[4]

Un tweet de M. Cazeneuve renvoie à un article de journal dont le titre lui aussi est propre à induire en erreur (journal qui lui-même s’est très activement investi dans la campagne « ABC » (« tout sauf Corbyn », par exemple, en prétendant révéler les « armées antisémites de Jeremy Corbyn »[5]). Le tweet de la LICRA ne vaut pas mieux : où et quand, par quels propos ou quelle(s) déclaration(s) Jeremy Corbyn aurait-il dit « assumer » l’antisémitisme « bien connu » dans le Labour ? Corbyn n’a jamais cessé de lutter en paroles et en actes contre l’antisémitisme, en prenant l’initiative de- ou en se joignant à des dizaines de procédures parlementaires (early day motions) sur la question de l’antisémitisme[6], notamment (...)

Mais qu’importe : les accusations les plus infondées peuvent être répandues comme des poignées de confettis sans le moindre souci des faits comme de l’insulte profonde faite aux millions de victimes du judéocide nazi que, dans la plus totale indignité, l’on se permet de convoquer pour les simples besoins de l’heure.

On connaît le principal effet de ce genre de coup, cependant : comment ne pas tenter de répondre, rectifier, rappeler les faits pour ne pas laisser persister la déformation mensongère ?[7] Mais c’est précisément ainsi que, perdant son énergie et son intelligence à dépolluer l’eau du puits, on en délaisse l’irrigation du verger, ou autrement dit, la défense du contenu programmatique dont il serait pourtant si urgent de débattre. La gauche britannique a fait l’expérience douloureuse de cette neutralisation (et deux ans de « réponses » aux accusations d’« islamo-gauchisme » ou de « wokisme » donnent aussi une idée de la nature du problème).

Deux choses, pour finir. Toutes sortes de militant.es et de personnalités juives de la gauche britannique et internationale, d’organisation et d’associations juives de toute nature (militant.es travaillistes[8], survivants du judéocide, rabbins, citoyens israéliens[9],..), ont exprimé leur solidarité avec Corbyn lorsqu’il était à la tête du parti. La presse britannique, et française à sa suite, n’a jamais jugé utile d’en rendre compte, préférant le registre de la mise à mort symbolique, plus utilement « informatif », aura-t-on compris. (...)