
C’est une nouvelle qui pourrait diminuer encore un peu l’appétit des Français pour la viande. Le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé, lundi 26 octobre, la viande rouge comme « cancérogène probable pour l’homme », et la viande transformée comme « cancérogène avéré ». Par viande rouge, il faut entendre toutes les viandes issues des muscles de mammifères, du bœuf au mouton, et par viande transformée, autant le jambon que celle contenue dans une sauce bolognaise.
(...) En France, la consommation de viande a grimpé aux lendemains de la seconde guerre mondiale (+1,5 % par an entre 1960 et 1980, selon les chiffres publiés par France Agrimer en juin 2015), pour atteindre un pic en 1998, avec 94 kg en équivalent carcasse (kgec) de viandes consommées par habitant et par an – c’est-à-dire en incluant des parties non comestibles comme les os et les tendons. Depuis, la tendance s’est inversée. En 2014, chaque habitant consommait en moyenne 86 kgec de viande par an, indique l’établissement public.
Sans surprise, la part de la viande dans le budget alimentaire des Français a aussi diminué, et ce depuis les années 1980, pour ne plus atteindre que que 20 % des dépenses de consommation en 2014, contre 26 % à son apogée en 1967, selon une étude de l’Insee publiée mi-octobre. Mais la viande, coûteuse, reste tout de même la principale dépense alimentaire. (...)
Nos voisins européens suivent la même tendance à la baisse. (...)
Lundi, un sondage réalisé par Mediaprism pour l’ONG GoodPlanet et l’Institut national de la consommation-60 millions de consommateurs montre que plus de la moitié des Français interrogés (56 %) déclarent manger moins de viande ; 46 % d’entre eux expliquent tout simplement cette évolution par son coût. Selon France Agrimer, la crise économique, en diminuant le pouvoir d’achat des Français, les a incités à faire des arbitrages dans leur panier, en privilégiant les aliments caloriques et bon marché − pain, céréales, produits sucrés −, et en diminuant la viande ou le poisson. Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) évoque, lui, une évolution vers un comportement de frugalité, contrainte pour 48 % des Français, choisie pour 14 % d’entre eux.
Toutefois, au-delà du critère financier, l’évolution de ces habitudes alimentaires est avant tout une question de mode de vie, estime Gabriel Tavoularis, directeur adjoint du département consommation du Crédoc :
« C’est avant tout générationnel, et motivé par des questions pratiques. On passe moins de temps à cuisiner, moins de temps chez soi, donc on achète moins de viande brute, surtout les morceaux à mijoter qui demandent une cuisson longue ou ceux qui périment rapidement. Par contre, on achète davantage de charcuterie et de plats préparés, sans que les quantités de viande qu’ils contiennent ne compensent l’apport d’un vrai steak. » (...)
Dans le sondage de Mediaprism, 35 % des personnes interrogées évoquent par ailleurs le souci du bien-être animal, et 26 % les scandales alimentaires. (...)
Si les pays riches consomment beaucoup de viande, mais de moins en moins, les pays plus pauvres en consomment peu, mais de plus en plus. Ce qui suffit, avec la hausse démographique, l’augmentation des niveaux de vie, l’urbanisation et les progrès de l’élevage, à tirer vers le haut la consommation mondiale de viande.
L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que la demande en viande, 286,2 millions de tonnes en 2010, devrait progresser de 200 millions de tonnes entre 2010 et 2050, soit pratiquement doubler. (...)
Pourtant, la consommation de viande « peut être inférieure à 10 kg par an dans les pays en développement, quantité insuffisante qui conduit souvent à la sous-alimentation et à la malnutrition », explique la FAO. (...)