Devant le constat de l’inefficacité des mobilisations traditionnelles face à l’obstination du pouvoir, transgresser l’interdit de la violence n’est peut-être pas une fin en soi, mais cela permet parfois de continuer à résister.
« Il semble acté que les manifestations pacifiques, les actions non-violentes, les débats, les votations, les occupations, les pétitions, les grèves, les positions des acteurs de terrains, les votes des députés n’ont aucun effet sur la détermination du gouvernement actuel. Alors peut-être devrions-nous lancer un large mouvement national de grèves de la faim. »
Le constat de Paul, militant insoumis, rédigé sur Facebook fin mai – lors des mouvements d’étudiants, est sans appel : l’impasse actuelle dans laquelle s’est enferrée la Ve République ne trouve plus d’issues dans les modes traditionnels et démocratiques de luttes. Et pourtant, l’écrivain Édouard Louis le rappelle dans son dernier ouvrage, Qui a tué mon père : les politiques, aussi bien au sens propre qu’au figuré, tuent les plus faibles, les plus dominés, les plus pauvres, bref ceux qui sont tout en bas de la pyramide sociale. (...)
" On a quoi comme alternative ? On se laisse faire tranquillement et on tend l’autre joue ? " (...)
« Non, non, on leur montre qu’on n’entend pas se laisser faire ».
Définition de la violence
Ne pas se laisser faire, se défendre, déstabiliser, revendiquer différemment, par la violence, par la dégradation, par l’affrontement direct. Bien sûr, ça en effraie plus d’un : les partis traditionnels, les penseurs et les penseuses du politique dans ce que cela sous-entend de plus noble, beaucoup de militants et de militantes… tout ceux-là préfèrent le cadre apaisé du débat d’idées, de la revendication pacifique par les voies et moyens usuels de la république, en partant d’un postulat on ne peut plus simple : la violence et le rapport de forces physique ne peuvent induire, au mieux, que des victoires sur le temps court – autrement dit la révolution (violente) permanente est un mythe. Or eux préfèrent décidément le temps long.
Mais, l’un des nœuds du problème, lorsqu’on s’interroge sur la violence, est précisément sa définition. Entre la dégradation d’un bien public ou privé et la violence létale, en passant par les occupations, les séquestrations, les grèves (d’aucuns, pas forcément les plus avisés, parlent de "prise d’otages"), le spectre est des plus larges. Plus que ça, il est angoissant pour les tenants du pouvoir ou de l’opposition institutionnelle puisqu’ils représentent autant d’outils qui vont pouvoir être utilisés contre eux. (...)
Reprenant à leur compte, parfois malgré eux, l’adage selon lequel "un bad buzz vaut toujours mieux que pas de buzz du tout", ils créent, par leur acte violent, une distorsion inattendue dans le long fleuve tranquille des revendications. Certes, le traitement est la plupart du temps négatif : on pointe leur "cannibalisation des luttes", on parle de "pulsions" et on les compare à des "délinquants" – on va même jusqu’à leur refuser toute pensée construite. Pourquoi ? Pour les dégâts engendrés dans l’opinion publique. (...)
La colère sous le désespoir
Dans les rangs de la gauche critique, le rapport entretenu avec la violence populaire est complexe et surtout changeant. Si, dans les textes fondamentaux même de la CGT ou du PCF, était inscrite la nécessité de l’usage de la violence pour renverser l’ordre bourgeois, aujourd’hui, les dirigeants de ces mêmes organisations sont beaucoup moins enclins à utiliser ce concept. Pourtant, encore très récemment, on se souvient du jeu d’équilibristes auquel ils se prêtaient, refusant de condamner catégoriquement la violence tout en s’en détachant, dans une certaine mesure.
Que ce soit la quête de l’hégémonie culturelle, de l’humain d’abord ou de l’émancipation des travailleuses et des travailleurs, peu sont ceux estimant que l’on peut se passer d’une tête souriante et télégénique pour porter ses idées. Dès lors, il est bien naturel que des anonymes encagoulés, dont le mode d’action est avant tout une interrogation, soient de nature à effrayer. Pourtant, aujourd’hui, un peu partout dans la gauche, on pointe les blocages des mécanismes institutionnels et médiatiques qui permettraient à notre démocratie de véritablement constater – ou même simplement donner – le pouvoir au peuple. Assez logiquement, on entend donc de plus en plus souvent, dans les manifestations traditionnelles, des remarques cyniques et pleines de désillusions concernant ce mode de revendication. (...)
Droit d’insurrection
Les inégalités se creusent, les rapports de forces entre les plus dominés et les plus dominants sont loin de l’équilibre, les perspectives quant à l’accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé, aux loisirs pour toutes et tous sont de plus en plus bouchées, on licencie, on exploite, on paupérise, on exclue. Un responsable CGT-Cheminots nous le glisse même : « On est à bout ». La conclusion est donc immédiate pour lui : « La violence que l’on subit autant que celle dont on est à l’origine nous empêche de dormir, mais c’est précisément là qu’est son utilité ». Loin d’une simple loi du Talion ou d’une réaction épidermique et incontrôlée, il faudrait donc penser la violence comme un inaboutissement nécessaire. Mais, là où le bât blesse le plus, c’est lorsque les théoriciens essaient de s’y frotter.
« Lorsqu’on a un agenda politique, on ne peut pas théoriser la violence », rappelle souvent l’historien Roger Martelli. Force est de constater qu’il a l’histoire de son côté et qu’avec cette lecture, on ne peut totalement lui donner tort. Pour autant, il faut à ce stade distinguer les violences : on ne peut faire même cas de la violence destructrice de biens privés – s’en prendre à un McDonald’s ou à un distributeur de billets par exemple – et celle, potentiellement létale, qui consisterait à agresser des personnes. Seulement, on les regroupe bien trop souvent car l’affrontement avec ce que l’on appelle les forces de l’ordre, à savoir la police et l’armée, vient souvent faire glisser la première vers la seconde.
C’est donc une peur, sans doute assez légitime, de l’absence de possibilité réelle d’encadrement d’affects émotionnels trop puissants, qui serait à l’origine de la défiance de la violence. Et de revenir, de facto, à la traditionnelle détention du monopole de la violence légitime par l’État, et uniquement par l’État. Seulement, d’aucuns considèrent aujourd’hui l’État comme un ennemi : on le désigne souvent comme raciste, aux mains des lobbies, destructeur de la cohésion sociale… Peut-on faire feu de tout bois lorsque les agressions à l’encontre de pans entiers de notre société sont aussi importantes qu’actuellement ? (...)
Peut-on considérer, face à cette réalité, qu’il y a lieu de convoquer la légitime défense pour que le peuple ait recours à la violence ? En 1793, la réponse eut été évidente : l’insurrection est un droit. En effet, la Constitution de 1793, mise à l’écart du bloc de constitutionalité en vigueur actuellement, précise à l’article 35 :
« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »
Et de se dire qu’il est décidément temps que le peuple et chaque portion du peuple retrouvent pleinement leurs droits. À moins qu’une révolution ne passe par là… pour tout réécrire. À commencer par une nouvelle Constitution ?
Lire aussi : Lutter contre la violence ? Bon courage M. Philippe !
Dois-je vous rappeler que la chute de l’Ancien Régime ne s’est pas faite dans la douceur ? La prise de la Bastille, ce populisme chéri par la bourgeoisie qui réussit à s’accaparer les privilèges des deux ordres en faisant semblant de les supprimer, violence barbare avec promenade de la tête de ce pauvre de Launay, responsable de cette prison où séjournèrent quelques nobles et plusieurs de nos meilleurs auteurs ?
Quant aux violences policières dont vous êtes politiquement responsable, continuerez-vous à les « couvrir » ? Je ne peux pas croire qu’Edouard Philippe, petit-fils d’ouvrier du port du Havre, ait la même mentalité que l’ignoble Thiers, qui fut à la Commune de Paris ce que Bachar Al Assad est à son peuple.
Donc, des ordres fermes, vont être donnés, pour que les forces de l’ordre, deviennent des forces de paix, et les garantes de la démocratie, en aidant les manifestants à défiler pacifiquement dans les rues de nos villes, sans danger de se faire gazer, matraquer, pulvériser à coups de flash-ball et les contrevenants seront aussi lourdement sanctionnés que les pilleurs de magasins et autres brûleurs de voitures. Merci par avance de cette décision, sage, responsable et républicaine.
Vous avez toute mon admiration, mon soutien et mon amitié si vous définissez une réelle politique de non-violence. Et cela devra commencer par vous attaquer à la violence quotidienne de ceux et de celles qui connaissent des fins de mois commençant le 16 ou le 20 de chaque mois. (...)
Il va falloir, aussi, lutter contre la précarité des salariés, vous savez ceux qui ne savent pas combien de temps on va les garder. Ceux qui vivent sans futur assuré. Ceux qui doivent se faire violence pour aller s’inscrire auprès des associations caritatives. Violence honteuse, qui ne fait guère de buzz, qui n’intéresse pas les médias télévisés ou si peu.
N’est-ce point votre patron, M. Macron qui, comme ses prédécesseurs, avait promis un toit pour chaque humain vivant en France ? (...)
Dois-je vous rappeler que la chute de l’Ancien Régime ne s’est pas faite dans la douceur ? La prise de la Bastille, ce populisme chéri par la bourgeoisie qui réussit à s’accaparer les privilèges des deux ordres en faisant semblant de les supprimer, violence barbare avec promenade de la tête de ce pauvre de Launay, responsable de cette prison où séjournèrent quelques nobles et plusieurs de nos meilleurs auteurs ?
Quant aux violences policières dont vous êtes politiquement responsable, continuerez-vous à les « couvrir » ? Je ne peux pas croire qu’Edouard Philippe, petit-fils d’ouvrier du port du Havre, ait la même mentalité que l’ignoble Thiers, qui fut à la Commune de Paris ce que Bachar Al Assad est à son peuple.
Donc, des ordres fermes, vont être donnés, pour que les forces de l’ordre, deviennent des forces de paix, et les garantes de la démocratie, en aidant les manifestants à défiler pacifiquement dans les rues de nos villes, sans danger de se faire gazer, matraquer, pulvériser à coups de flash-ball et les contrevenants seront aussi lourdement sanctionnés que les pilleurs de magasins et autres brûleurs de voitures. Merci par avance de cette décision, sage, responsable et républicaine.
Vous avez toute mon admiration, mon soutien et mon amitié si vous définissez une réelle politique de non-violence. Et cela devra commencer par vous attaquer à la violence quotidienne de ceux et de celles qui connaissent des fins de mois commençant le 16 ou le 20 de chaque mois. J’ai connu cela dans ma jeunesse. Les angoisses de ma mère pour essayer de nous procurer deux repas par jour avec peu, avec du pas cher, avec du cache-faim. Même si en votre jeunesse, vos parents n’étaient que deux enseignants en début de carrière, vous n’avez jamais connu cette situation que vivent bien trop de nos concitoyens.
Il va falloir, aussi, lutter contre la précarité des salariés, vous savez ceux qui ne savent pas combien de temps on va les garder. Ceux qui vivent sans futur assuré. Ceux qui doivent se faire violence pour aller s’inscrire auprès des associations caritatives. Violence honteuse, qui ne fait guère de buzz, qui n’intéresse pas les médias télévisés ou si peu.
N’est-ce point votre patron, M. Macron qui, comme ses prédécesseurs, avait promis un toit pour chaque humain vivant en France ? Dormir à la belle étoile, en plein hiver, n’est-ce point la pire des violences que l’on puisse infliger à un être humain, qu’il soit adulte ou enfant ?
Vous voulez ficher les auteurs des violences ? Nous pouvons vous y aider. Mais cela risque de faire du monde. A commencer par ce que l’on appelle le « beau monde » qui profite d’un système économique ultra-libéral qui constitue l’origine de la violence spectaculaire que vous tentez d’utiliser en fichant la trouille aux couches moyennes-supérieures, en jouant sur les images, triées et qui n’offrent qu’un aspect mineur de la réalité.
Je sais ! Il va falloir que vous vous fassiez violence, pour réviser votre façon de voir le monde. (...)
Alors luttons, en effet, contre la violence, ou plutôt, contre toutes les violences.
Chiche ! Ce sera cela ou l’effondrement de notre démocratie, de notre République, dont nous vous tiendrons pour responsables avec celui auquel vous vous dévouez.
Bon courage donc dans votre volonté de mettre fin aux violences.