Notre histoire est collective mais son récit, la façon de la raconter et de la transmettre, est bien souvent confisqué à des fins partisanes. L’Histoire demeure un enjeu démocratique. Pour les politiques, la tentation est grande d’utiliser ce bien commun, ce patrimoine chargé de symboles et d’émotions, comme un outil de communication supplémentaire afin de capter un héritage et de susciter une ferveur populaire devenue denrée rare. Le peuple est convié à commémorer les évènements, à célébrer les grands hommes, à exalter les valeurs qui lui sont indiqués par des faiseurs d’histoire rarement désintéressés.
Par ces temps de soumission généralisée de l’espace public aux intérêts privés, il était logique que le pouvoir s’intéressât à la Résistance. Il devenait urgent d’honorer quelques unes de ses figures marquantes.
De même qu’en matière de canonisation la décision finale appartient au Pape, dans notre république laïque, la liturgie de la panthéonisation a aussi son grand ordonnateur : le chef de l’Etat choisit souverainement les grands hommes qui méritent la nécropole suprême et célèbre la messe à sa guise ; ce n’est pas là le moindre paradoxe de nos rituels républicains.
Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Jean Zay, entrés au Panthéon ce mercredi 27 mai, sont évidemment des personnalités éminentes « qui donnent chair et visage à la République » mais, pourquoi elles, pourquoi eux, alors que tant d’autres mériteraient tout autant d’être mis en lumière ? Pourquoi notre Président s’arroge-t-il le droit de choisir, de distinguer et donc de discriminer ? Quelle singulière façon de célébrer la république et nos héros !
Ce fut assurément une cérémonie paradoxale.
Car, voir célébrer ces deux femmes et ces deux hommes par un homme qui ne doit plus très bien savoir ce que résister veut dire est aussi le symbole de l’avilissement de notre république et de l’errance idéologique de notre premier représentant.
François Hollande a-t-il conscience de la vacuité de son quinquennat et de l’affadissement de la fonction présidentielle et tente t-il désespérément de leur donner un peu de substance et de souffle en vampirisant l’aura et la mémoire d’illustres anciens ? Pense-t-il donner du relief à son parcours en côtoyant les faiseurs d’histoire et par l’évocation des idéaux de « la patrie des droits de l’homme » ?
Depuis le 11 janvier François Hollande se plaît à exploiter les grands évènements et à être présent sur la scène internationale mais il est difficile de discerner dans cette agitation présidentielle un projet politique, une cohérence, ne serait-ce que la volonté de défendre certaines valeurs. Comment relier la visite commerciale au Qatar pour la vente de mirages, le discours de Port-au-Prince pour rappeler « la nature irréparable du crime de l’esclavage », l’évocation de la dette de la France envers Haïti suivie du refus de verser toute indemnité compensatrice, l’accolade à Fidel Castro, etc ?
François Hollande n’écrit pas l’histoire mais s’y inscrit à la manière d’un figurant sans réelle importance que l’on retrouverait dans une série de tableaux historiques. Il est là, sans autre ambition que celle de profiter d’un évènement en première ligne, dans une forme d’errance purement commerciale.
François Hollande semble avoir déjà tiré les conséquences de son ralliement à la doctrine libérale et au « laissez-faire, laissez-aller » pour l’exercice de sa fonction. Comme il lui est impossible de s’enorgueillir de ses résultats, mieux vaut, pour accéder à quelques instants de gloire, se consacrer aux inaugurations, célébrations, commémorations, et tenter de faire ressurgir du passé quelques figures et moments magnifiques.