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Le vieux monde se meurt, mais le matin neuf n’est pas encore levé
Corinne Morel Darleux est secrétaire nationale à l’écosocialisme du Parti de gauche et conseillère régionale Auvergne - Rhône-Alpes
Article mis en ligne le 8 mai 2017

La présidentielle est achevée. Elle aura volé bas, empêchant les idées de s’exprimer et de débattre clairement. Mais la sincérité peut permettre de distinguer la forme du fond. Et la bataille politique continue, car elle peut être digne.

Cet entre-deux tours a été particulièrement violent et haineux. Il a confirmé la disparition progressive de l’empathie, cette capacité à envisager le point de vue de l’autre et sinon à l’accepter, du moins à essayer de le comprendre. Il s’est principalement agi, des radios aux plateaux télés et évidemment sur les inénarrables réseaux sociaux, de monter sur ses ergots et de chanter le plus fort, comme des milliers de coqs de feu – dont c’est hélas l’année.

Le sentiment de faillite politique est terrible.

Un candidat LR investi sur une image de rectitude morale, qui maintient sa candidature le dos courbé d’affaires et de scandales. Deux candidats qualifiés au second tour malgré les suspicions de détournements et de conflits d’intérêts. Et ça n’a pas cessé de dégringoler dans l’abject et l’absurde, je ne parle même pas du débat télé de cour de récré... Tous noyés dans un ocean de médiocrité.
Ce qui me mine le plus dans cette période, c’est ce que révèlent les injonctions et l’absence de réflexion autonome, l’obligation faite à chacun de crier le plus fort possible pour son camp. La sourde inquiétude que la politique soit devenue une gigantesque réserve de trolls. (...)

Nos ennemis peuvent toujours nous hurler dessus, ce n’est certainement pas ce qui nous fera pas changer d’avis, et de notre côté on n’est pas dans un concours de gauchistes, ça ne sert à rien de s’égosiller pour prouver sa radicalité. On n’est pas dans un jeu télé, on parle de réalités au quotidien pour des millions de gens et ça mérite un peu de gravité, de réflexion et de silence avant de raconter n’importe quoi. La colère n’est pas bonne conseillère. Et parfois je me prends à me demander si c’est vraiment le FN qui s’est banalisé, ou les gens qui se sont extrêmisés. Moi qui rêvais de belle colère, c’est raté.

Après ce déluge, je crois de plus en plus que la sincérité politique ne peut dissocier la forme du fond. (...)

Je sais que nous sommes nombreux à ne plus le supporter. J’ai fait des pas de côté, tenté de diffuser et d’incarner un autre écho mêlant radicalité et aménité . De réintroduire en politique un peu de poésie, de contemplation, de silence et de raison. Un peu de punkitude des mésanges aussi, parce qu’on n’est pas fait d’un seul bois et qu’il y a aussi une douce folie qui guide nos pas. (...)

La manière compte en politique. L’ignorer c’est jouer avec le feu et prendre le risque de créer de nouveaux monstres. (...)

le vieux monde se meurt. Mais ne faisons pas table rase pour autant, car le matin neuf n’est pas encore levé. Il nous appartient de l’aider à accélérer, mais ne nous tirons pas une balle dans le pied en hurlant avec la meute et en flinguant nos outils d’ici là. Car on a encore besoin de cohésion à gauche, de liens avec les réseaux, de structures politiques, de militants organisés et d’élus prêts à résister. Et on a besoin de respect. Plus que jamais.
Et puis, on a encore besoin de principes. Ces lignes rouges qui évitent de se poser une question complexe au moment où on y est confronté. (...)

La façade Marine le Pen n’est pas dissociable des arrières-boutiques de la fachosphère et des anciens du Gud qui en dirigent le financement et la ligne. Ni des groupes violents de Lyon qui mettent le feu à des librairies et organisent des ratonnades de nuit en laissant des compagnons à nous sur le trottoir ou à l’hosto. En politique on ne peut pas saucissonner, ni se permettre d’errer. Les principes sont là pour nous en garder.

Las, les élections rendent fou.

Et ce n’est pas fini. Parce qu’aux législatives, tout va recommencer. La possibilité de victoires et de contre-pouvoir, certes, mais aussi les histoires de négociations, de division, les injonctions, les triangulaires et le risque FN. Et franchement j’aimerais bien que ça se passe différemment. (...)