
Le tribunal de Nantes a condamné très lourdement quelques personnes ayant participé à la manifestation du 22 février contre l’aéroport de Notre Dame des Landes. Jugées d’avoir été violentes, mais avec des preuves très ténues. Quant aux policiers qui ont gravement blessé des manifestants avec des flash balls, ils courent toujours.
(...) Cinq semaines plus tard, passée l’échéance politique sensible des municipales, les enquêteurs ont trouvé. À défaut des fameux « blacks blocs qui voulaient casser du policier et s’en prendre aux mobiliers urbains » stigmatisés par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, on a pris deux militants connus et deux lampistes. Si la préfecture avait annoncé le jour même huit policiers blessés, le chiffre montant à 129 « contusionnés » le lendemain, tous ont disparu des audiences de la justice.
L’urgence, cinq semaines après
Neuf arrestations ont eu lieu au petit matin du 31 mars, le lendemain même du deuxième tour des élections municipales. Mais deux personnes étaient de suite relâchées - l’une n’était pas à Nantes le jour de la manif, les preuves manquant contre le deuxième. Les gardes à vue ont été renouvelées jusqu’au transfert devant le tribunal correctionnel.
La procédure de comparution immédiate est habituellement utilisée en urgence après des flagrants délits. Là, alors que les faits remontent à plus d’un mois, elle a permis de tenir l’audience le 1er avril, dans la continuité des arrestations.
Charges retenues contre les quatre prévenus : des présumées « violences sur personne détentrice de l’autorité publique ». Mais aucun policier n’est venu témoigner avoir été atteint par un des quatre prévenus. Le reste des charges : fabrication d’un engin incendiaire (un fumigène), participation avec arme par destination (un pavé pour l’un, des cailloux ramassés pour les deux autres), dégradation (pour avoir pénétré dans une boutique de la société publique de transport en commun et pris un T-shirt, après avoir été trempé par les canons à eau de la police). Cette récupération d’un T-shirt sec a été qualifiée de « graves exactions » par le juge à l’audience.
Pastilles et bagdes
Philippe, 53 ans, intermittent du spectacle, casier judiciaire vierge, militant de longue date à la CGT et au DAL (Droit au logement), un des quatre dans le box, a bien reconnu avoir fait « retour à l’envoyeur » des « pastilles lacrymogènes ». Mais il souligne : « Il n ’y a aucun lien entre tous les quatre. Alors pourquoi faire un lot, plus d’un mois après ? » (...)
A côté de ces deux militants dont on l’impression qu’ils payent pour l’ensemble de leur engagement, les deux autres accusés sont là par hasard. « J’étais saoul, j’ai vu passer la manif avec un copain. Pour rigoler ; on a jeté des trucs aux flics » reconnaît l’un, qui s’est filmé sur son portable tout en concédant qu’il ne sait rien de ce « problème d’aéroport ». L’autre a ramassé, il est vrai dans une boutique dévastée, un T-shirt dont personne ne dit qu’il a été volé.
Mais où sont passés les Black blocks stigmatisés par les autorités ? (...)
Dans son réquisitoire, la substitut du procureur a reconnu que « la manifestation a été organisée pacifiquement mais a dégénéré », ce qui contredit la version du préfet qui a imputé aux organisateurs la responsabilité des incidents et de la casse d’une dizaine de boutiques.
La représentante du parquet a aussi mis en cause les demandes de la seule partie civile, la société de transports en commun de l’agglomération, qui a estimé son préjudice entre 300 et 500 000 euros, selon elle en « totale disproportion avec la réalité des dégâts ».
Cependant, quant aux qualifications de violences contre représentant de l’autorité, « peu importe le but » et qu’il n’y ait pas de victime déclarée, car selon elle, il y a « violences parce qu’il y a une grande émotion, une crainte des personnes visées ». Un artifice juridique pour maintenir la qualification de violences, en l’absence de blessure, d’arrêt de travail ou même du moindre contact physique.
Le jugement est tombé, provoquant la stupéfaction devant la lourdeur des peines. Un an ferme pour Engerrand avec mandat de dépôt immédiat et refus de s’entretenir quelques instants avec sa compagne. Quatre et cinq mois ferme pour les cailloux lancés sans atteindre quelqu’un et le T-shirt. Quatre mois avec sursis pour le militant du DAL.
Tous écopent d’un an d’interdiction de manifester à Nantes et à Notre-Dame-des-Landes. Une mesure généralement destinée aux maris violents interdits de séjour dans le département de leur victime ou pour le banditisme et le proxénétisme. La peine s’assortit d’un an d’interdiction de port d’arme. Histoire de faire croire qu’on a eu affaire à des gens dangereux.
Armes de mutilation
Ce volet judiciaire répressif occulte un autre aspect de la manifestation aujourd’hui couvert par une certaine impunité : les graves blessures infligées aux manifestants. Ils sont désormais trois blessés à l’œil par des tirs de « lanceurs de balle de défense » (LBD), un super flash ball précis à plus longue distance que le flash ball première génération. (...)
Plaintes contre la police
Quatre plaintes contre X pour « violences volontaires avec arme » ont été déposées visant les forces de l’ordre, dont une portée par un journaliste reporter d’image touché aux jambes et une autre par un photographe atteint en pleine poitrine par un tir de LBD. Ces plaintes doivent être examinée par l’IGPN, l’Inspection générale de la police nationale. Des vidéos attestent de ces tirs ciblant précisément ces journalistes.
Une conférence de presse se tiendra mardi 15 avril présentant ces trois cas recensés lors de la manif du 22 février. (...)