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« Le travail rend libre » : plus qu’une provocation, Mai 2007
par Jacques Richaud, Mai 2007
Article mis en ligne le 25 avril 2012

Jacques Richaud revient dans ce texte sur une phrase prononcée par Nicolas Sarkozy. « Le travail rend libre », a proclamé l’actuel président de la République durant sa campagne. Un slogan qui n’est en rien innocent, estime l’auteur, car nul ne peut imaginer que Sarkozy lui-même et ses conseillers en communication soient ignorants de l’utilisation historique de cette phrase « le travail rend libre » (Arbeit macht frei) au lieu et au temps le plus sombre de l’histoire humaine du vingtième siècle.

Avant même son affichage au portique d’Auschwitz et Dachau, sur l’idée du général SS Theodor Eicke, ce slogan faisait partie de la phraséologie nazie depuis le début des années trente, parfaitement intégré dans le mental de ceux qui gardaient les camps, peut-être aussi d’une partie de ceux qui y pénétrèrent sans retour. Nous savons, grâce au remarquable travail de Victor Klemperer, LTI, publié en 1947, combien fut importante l’instrumentalisation du langage pour que s’impose, finalement, l’idéologie nazie comme le mode de pensée commun a tout un peuple [1].

Dans la phraséologie nazie des années trente, ce slogan « Le travail rend libre » a été construit pour contrer le message du socialisme et de tous les humanistes qui théorisaient sur la nécessité de « libérer l’homme de l’aliénation du travail contraint ». (...)

Il sera objecté bien sur que le programme UMP ne prévoit pas de transformer le pays en camp de travail ou d’extermination... Mais il faut observer que cette idée est présente dans le langage sarkozien depuis dix ans et que les mots ont une vie mentale au-delà du mot lui-même. Les mots portent des « images » subliminales qui peuvent rester inconscientes, les mots contribuent à un « métalangage » qui participe au formatage de la pensée. Dans le cas qui nous préoccupe ce métalangage porte plusieurs évocations
(...)

Le slogan sarkozien n’est donc pas destiné à glorifier les travailleurs, mais à leur faire admettre à la fois l’ordre capitaliste et l’ordre autoritaire. Qu’aucun des candidats adverses se réclamant du camp de la défense des travailleurs, n’ait « décrypté » ce slogan en dit long sur la décomposition de la pensée de la gauche, incapable même de percevoir l’outrance d’un propos si lourdement connoté historiquement.

26 avril 2012 à 17h00, un rassemblement sur le site de Mérignac (33) Pichey, pour rendre hommage à Rémi qui s’est immolé devant son lieu de travail : France Télécom, et au-delà, à tous ceux que les conditions de travail insupportables ont poussés à commettre l’irréparable.

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