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Le tourisme écolo n’existe pas
Désastres touristiques — Effets politiques, sociaux et environnementaux d’une industrie dévorante, d’Henri Mora, éditions L’échappée, 2022, 208 p., 17 euros.
Article mis en ligne le 15 juillet 2022
dernière modification le 14 juillet 2022

Le tourisme, « vert » ou de masse, détruit territoires et rapports sociaux. Il transforme tout en marchandise, en produit à consommer, dénonce Henri Mora dans « Désastres touristiques ».

Il y a quelques années, l’auteur de ces lignes avait eu l’occasion de mener un reportage aux Médiévales de Provins (Seine-et-Marne), l’un des plus grands rassemblements médiévalistes de France. Tous les types de tourisme s’y retrouvaient : on y côtoyait des revendeurs de produits made in China et des restaurateurs servant un repas « médiéval » à base de tomates mozza et de brownie crème anglaise, mais aussi des artisans, des artistes et des restaurateurs de sites médiévaux. Malgré leurs divergences, artistes, exposants et touristes de tous bords communiaient dans une atmosphère irréelle, dans un Provins hors du temps… et pourtant résolument ancré dans la surconsommation capitaliste.

À leur manière, les Médiévales de Provins constituent l’un des « désastres touristiques » que déplore Henri Mora dans un ouvrage du même nom, aux éditions l’Échappée. L’essayiste est connu pour son engagement militant contre le Center Parcs de Roybon, en Isère, un projet touristique démesuré et aujourd’hui abandonné. Dans ce court ouvrage, l’auteur, plutôt que de passer en revue les innombrables dommages politiques, sociaux et environnementaux causés par une industrie touristique dévorante, s’en prend aux fondements mêmes de cette industrie. À ses yeux, qu’il soit alternatif ou de masse, le tourisme représente toujours le fer de lance de la marchandisation du monde. (...)

Il est cependant difficile de quantifier le poids réel du tourisme : présent partout, il se niche dans les moindres recoins. Ainsi, pour prendre en compte les effets réels du tourisme, il faut élargir l’analyse aux émissions du secteur aérien, à l’accaparement de terres et de côtes pour y construire infrastructures logistiques et stations balnéaires, à la surproduction de marchandises destinées aux touristes… jusqu’aux administrations publiques dévolues à la promotion du tourisme. (...)

L’auteur rappelle que le tourisme de masse fut inventé par l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie, qui développèrent dans l’entre-deux-guerres agences de voyages et moyens de transport pour organiser et contrôler le temps libre de leurs populations et acheter la paix sociale. La chose se poursuivit dans les années 1960 sous l’Espagne franquiste, qui peupla de stations balnéaires les côtes méditerranéennes du pays au détriment des populations locales, ce qui fit dire à certains opposants politiques : « Franco met son peuple à l’ombre pour que vous ayez plus de soleil. » (...)

Un secteur très dépendant des aides publiques

Les démocraties libérales ne sont pas en reste dans leur soutien sans faille à l’industrie touristique. Pendant que l’Espagne aménageait ses plages, la France lançait en 1964 le Plan neige et la construction de dizaines de stations de ski dans les Alpes et, dans une moindre mesure, les Pyrénées. Encore aujourd’hui, particulièrement après la crise du Covid-19 qui le toucha de plein fouet, le secteur demeure très dépendant des aides publiques. (...)

Pourquoi un soutien si massif et constant ? Sans doute parce que le tourisme, « industrie transformant le monde dans sa globalité en produit à consommer », représente aujourd’hui le fer de lance de l’expansion capitaliste. Le secteur, tel le roi Midas, a le pouvoir exceptionnel de transformer en or tout ce qu’il touche, particulièrement lorsque c’est gratuit. (...)

Contempler les beautés de la nature ne peut à présent se faire que dans le cadre d’un marché local capitaliste. (...)

si le productivisme touristique ne peut pas croître de manière intensive, il le fera de manière extensive, en grignotant toujours plus de territoires.

Mais, me direz-vous, ne serait-il pas possible d’imaginer un tourisme durable, compatible avec les désirs des habitants d’un territoire ? C’est là que la critique de Mora se fait la plus radicale. Pour l’auteur, le tourisme alternatif est une fable, car, intrinsèquement, cette industrie détruit un territoire et ses rapports sociaux. (...)

Le tourisme fonctionne en effet comme les vitrines des grands magasins, analysées par Jeanne Guien dans son ouvrage Le consumérisme à travers ses objets (Divergences) : « Le tourisme transforme toute réalité et tout sentiment réellement vécus en simple curiosité et, tout au plus, en émotion stimulée par sa mise en vitrine. Il transforme le réel en représentation. » (...)

Le tourisme est rarement l’objet de contestations frontales (...)
Soit parce que les populations lui prêtent des vertus bénéfiques pour leur territoire, soit parce qu’on ne le perçoit pas au même titre que d’autres enjeux. (...)

Henri Mora propose une ligne claire : l’antitourisme. (...)