
Nous avons le plaisir de publier quelques extraits d’ Accélération. Une critique sociale du temps d’Hartmut Rosa, ouvrage à paraître aux éditions La Découverte. Dans cet ouvrage H. Rosa défend l’idée que la manière dont le temps est structuré socialement dans nos sociétés modernes entrave lourdement la réalisation du projet émancipateur de la modernité. Il place ainsi sous les projecteurs de la réflexion un enjeu qu’on aurait pu croire tabou depuis l’enterrement des 35 heures dans le débat public. Il est temps que le temps redevienne une question sociale...et politique.
...La question de la vie que nous voudrions mener revient exactement à poser celle de la manière dont nous voulons passer notre temps, mais les qualités de « notre » temps, ses horizons et ses structures, ses rythmes ne sont pas sous notre contrôle, ou seulement dans une faible mesure. Les structures temporelles ont une nature collective et un caractère social ; elles se dressent face à l’individu dans leur robuste facticité. Les structures temporelles de la modernité, comme on le verra, sont essentiellement placées sous le signe de l’accélération...
...Il résulte du fait que les sujets et les organisations sont constamment occupés à « éteindre le feu », c’est-à-dire à s’efforcer de venir à bout des problèmes urgents, mais aussi, en même temps, à maintenir ouvertes les options futures et à sauvegarder les possibilités de connexions, de telle sorte que la relation entre la définition de la séquence de leurs actions et la hiérarchie de leurs préférences est durablement perturbée....
...les structures temporelles de la société de l’accélération amènent les sujets à « vouloir ce qu’ils ne veulent pas », c’est-à-dire à suivre de leur propre chef des lignes d’actions qui, vues de perspectives temporelles stables, ne sont pas celles qu’ils favoriseraient. Ce sont donc les sujets eux-mêmes qui fournissent les critères normatifs de cette critique du temps...