
Dans la nuit de mercredi à jeudi, le gouvernement a inséré dans la loi de transition énergétique un article permettant d’accélérer l’enfouissement des déchets nucléaires. Cette mesure foule aux pieds les conclusions du débat public et les engagements de Mme Royal. Ecologistes et associations s’insurgent contre cette violation de la démocratie.
Hier, Reporterre publiait le texte de projet de loi dont les grandes lignes - mais pas le texte lui-même - avait été présentées à la presse mercredi par la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal.
Mais dans la nuit de mercredi à jeudi... ce texte a été modifié. Le gouvernement y a introduit deux nouveaux articles visant à accélérer la mise en oeuvre du Centre industriel de stockage géologique pour les déchets nucléaires, CIGEO, à Bure (Meuse). Comment, par qui et dans quel objectif ? Reporterre a mené l’enquête.
La chronologie du coup de force
Mercredi 18 juin, 17 h 35. Journalistes, politiques et experts intéressés par les questions de l’énergie bruissent de la présentation, quelques heures plus tôt, du projet de loi par Ségolène Royal. On cherche à comprendre comment sera réduite la part du nucléaire à 50 %, on évoque le mutisme de la ministre concernant la baisse de consommation d’électricité, on s’interroge sur l’avenir de Fessenheim, non mentionné… (...)
Premier constat : les membres du CESE qui ont auditionné Ségolène Royal n’ont pas eu connaissance de la version finale du projet de loi, qui intègre désormais CIGEO. Singulière consultation, où l’on cache aux conseillers un point essentiel du texte !
Deuxième constat : Entre la présentation à 13 h 00 en conférence de presse, la communication du CESE et le dernier courriel en soirée du ministère, la loi a donc été retouchée et enrichie de dispositions concernant CIGEO.
Ségolène Royal, menteuse ou soumise(...)
Le vendredi 13 juin, Ségolène Royal invitait à dîner les membres du collège des ONG du CNTE. A cette occasion, le président des Amis de la Terre interroge la ministre sur la présence, ou non, du projet CIGEO dans la loi à venir. « Elle a été très catégorique sur le sujet, en certifiant que CIGEO n’y figurerait pas. Elle nous a dit, mot pour mot : ’S’ils veulent faire le projet, ils le feront, mais ils ne le feront pas dans MA loi’’ », raconte Florent Compain à Reporterre.
Comment expliquer un tel revirement ? Selon lui, la ministre ne mentait pas, « elle avait l’air sincère ». D’où la question posée par le responsable associatif : « Qui a ainsi le pouvoir de modifier le texte après une conférence de presse aussi attendue ? »
A la sortie de son audition au CESE, Reporterre est parvenu à intercepter Ségolène Royal avant qu’elle ne s’engouffre dans sa voiture aux vitres teintées. Sa gêne est palpable, elle évite les questions que nous lui posons (...)
Jeudi en fin de journée, plusieurs associations ont dénoncé le coup de force des nucléaristes gouvernementaux. La coordination Bure Stop évoque un « honteux tour de passe-passe [réalisé] en catimini et en toute déloyauté » par Mme Royal, « ou comment se renier devant le tout puissant nucléaire ». Les Amis de la Terre parlent d’une « manipulation » et pose la question suivante : « Comment est-il possible de cacher de telles mesures engageant la France pour des millions d’années en les noyant dans un projet de loi généraliste et sans ambition où la société civile va diviser ses forces pour essayer d’obtenir quelques maigres avancées ? ».
Dans la soirée, Europe Ecologie-Les Verts demandait explicitement le retrait de ces articles. « Les écologistes s’insurgent doublement contre cette manière de faire, indique le communiqué d’EELV. Sur le fond, le Parlement doit être respecté et on ne peut imaginer qu’un sujet aussi explosif soit traité par décret alors qu’il engage le pays sur des milliers d’années. Sur la forme il est scandaleux de glisser en douce des dispositions aussi peu consensuelles sans même les avoir présentées en amont à la commission spécialisée du Conseil national du débat sur la transition énergétique qui travaille depuis plusieurs mois à l’élaboration du texte. ».