
"Il est temps de se poser de graves questions quant au risque que représente, pour la gestion démocratique de l’Europe, le rôle monstrueusement boursouflé des institutions financières et des agences de notation, qui font désormais la loi en toute impunité sur des pans entiers de la vie politique européenne."
Puisqu’une grande partie de l’Europe s’efforce aujourd’hui activement de juguler la dette extérieure en réduisant impitoyablement les dépenses publiques, il est essentiel d’étudier avec réalisme l’impact probable que pourraient avoir ces mesures, tant sur les gens que sur la production de revenus publics par le biais de la croissance économique.
Certes, les grands discours qui parlent de "sacrifice" ont un effet enivrant. C’est la philosophie du "bon" corset : "Si Madame s’y sent à l’aise, alors, c’est qu’il lui en faut un plus petit". Toutefois, si l’on lie trop étroitement les appels à la pertinence financière à des coupes budgétaires brutales, on risque fort de tuer la poule qui pond les œufs d’or de la croissance.
Cette inquiétude vaut pour plusieurs pays, de la Grande-Bretagne à la Grèce. Le caractère universel d’une stratégie de réduction des déficits qui promet "du sang, de la sueur et des larmes" confère un certain degré de plausibilité à ce que l’on impose à des pays plus fragiles comme la Grèce ou le Portugal. Mais il est du même coup plus difficile à l’Europe de s’exprimer d’une voix politique unie face à la panique déclenchée sur les marchés financiers.(...)
L’Europe pourrait se passer de la liberté monétaire si par ailleurs elle était intégrée sur le plan politique et budgétaire (comme c’est le cas des Etats des Etats-Unis), mais en optant pour ce compromis qu’est la zone euro, l’UE est allée droit la catastrophe. Le formidable projet politique d’une Europe unie et démocratique s’est vu adjoindre une intégration financière incohérente.
Aujourd’hui, repenser la zone euro poserait de nombreux problèmes, mais ceux-ci doivent être débattus intelligemment : il ne faut pas laisser l’Europe dériver au gré des vents de la finance, prisonnière d’une pensée étriquée, au bilan catastrophique. Avant tout, il faut commencer par limiter la capacité des agences de notation à imposer leurs diktats. (...) Wikio