Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
cadtm
Le retour de Bolkestein : mainmise de la Commission européenne sur les services
Article mis en ligne le 18 décembre 2018

En 2004 déjà, le CADTM et les mouvements sociaux dénonçaient l’adoption de la directive Bolkestein qui, dans la logique de libre-échange propre à l’UE, visait à imposer un cadre permettant aux entreprises privées d’agir à leur guise sur les échanges de services, en repoussant encore les limites de leur marchandisation [1]. Bien que l’ampleur de la mobilisation qui eut lieu contraignit les institutions européennes à modérer leurs ardeurs et à réduire fortement la porté de cette directive, celle-ci finit par être adoptée, dans sa version édulcorée, en 2006.

Aujourd’hui, sous pression des lobbies, la Commission se propose d’adopter une nouvelle directive qui viendrait renforcer la première et lui donnerait un pouvoir de coercition sur les autorités locales dépassant largement le cadre actuel. On sait que, notamment via le TSCG et les normes comptables SEC 2010, la Commission dispose déjà d’instruments puissants pour imposer l’austérité, les privatisations et le libre-échange. Avec ce projet de directive instituant une « procédure de notification des régimes d’autorisation et des exigences en matière de services », en plus du chantage sur la dette et le déficit public dont elle fait déjà abondamment usage, l’UE veut doter son arc d’une nouvelle corde légale- et manifestement illégitime- pour parvenir à ses fins, au mépris des principes élémentaires de démocratie et de justice sociale et économique.

Faites signer l’appel contre cette directive par votre organisation ! (...)

Questions & Réponses sur la proposition visant à doter la Commission de nouveaux pouvoirs d’annulation de décisions locales

Les institutions européennes sont en train de négocier de nouvelles règles relatives au marché unique qui pourraient avoir des incidences graves et fortement préjudiciables sur le processus décisionnel des parlements, des assemblées régionales et des conseils municipaux dans toute l’Europe. La Commission se propose d’appliquer la directive sur les services - alias la directive Bolkestein - d’une manière inédite et extrêmement interventionniste. En bref, la Commission revendique le droit d’approuver ou de rejeter une nouvelle législation ainsi que d’autres mesures visées par la directive. Or, la directive porte sur un large éventail de sujets : les règlements de zonage (urbanisme), les mesures en matière d’accès au logement, l’approvisionnement énergétique, l’approvisionnement en eau, la gestion des déchets et bien plus.

La proposition de la Commission suscite de plus en plus de critiques, en particulier de la part des conseils municipaux, dont la capacité d’action pourrait être sérieusement limitée dans de nombreux domaines si la proposition venait à être adoptée. Faute d’avoir été correctement informés des enjeux, nombre d’entre eux découvrent tardivement que même les communes devront demander l’autorisation de la Commission avant d’adopter une mesure concernant les services. Le conseil municipal d’Amsterdam a adopté à l’unanimité une résolution qui stipule que la proposition « nuit à l’autonomie des collectivités locales et constitue de ce fait une menace pour la vie démocratique locale ». Partout en Europe, ce puissant message en faveur de la prise de décision locale commence à trouver un écho dans les villes. Un communiqué public contre la proposition a rapidement recueilli les signatures de 75 organisations européennes, dont des ONG, des mouvements sociaux et des partis politiques, et de nouvelles signatures ne cessent d’affluer au fil des jours. (...)

Comment la Commission envisage-t-elle de bloquer ou de modifier des décisions prises dans les États membres ? (...)

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Est-ce vraiment si grave ?

Avant de poursuivre l’examen de la base juridique de tout ceci - la directive sur les services -, il peut être utile de se faire une idée de ce qui est en jeu ici, et de le faire à travers quelques exemples concrets.

 Lorsque le conseil municipal d’Amsterdam s’est prononcé contre la proposition de la Commission, le conseiller municipal Tiers Bakker, auteur de la résolution, a évoqué les tentatives de réglementation d’AirBnB dans cette ville. Pendant longtemps, AirBnB a bénéficié de règles très souples à Amsterdam, mais au fil du temps, son utilisation s’est tellement généralisée que cela a provoqué des problèmes d’accès au logement à un prix abordable et une modification du climat et de l’environnement dans des quartiers névralgiques de la ville. Le conseil municipal est intervenu, en réponse aux demandes de son électorat, les habitants de la ville, et a durci la réglementation, avant de découvrir que limiter l’utilisation d’AirBnB pourrait constituer une violation de la directive Services. Avec cette nouvelle proposition, la ville d’Amsterdam serait tenue de demander l’autorisation de la Commission pour adopter une telle réglementation.

 D’après un récent arrêt de la Cour de justice de l’UE, la directive sur les services s’applique aux règlements de zonage ou à l’aménagement urbain. La planification urbaine suppose parfois des choix politiques des autorités quant à la localisation des magasins dans une ville, ou quant à la superficie de ces magasins. Il se peut que certaines villes préfèrent ne pas accueillir d’hypermarchés géants afin de préserver l’existence des petits commerces. Or, il se trouve que la directive est applicable à ce secteur de l’aménagement. Cela signifie que, dans ce cas également, une décision devrait être préalablement envoyée à la Commission, ce qui donnerait le dernier mot à cette institution européenne, peut-être pas pour chaque décision d’urbanisme, mais suffisamment pour lui permettre de bloquer ou de rejeter des projets généraux de long terme en matière de développement urbain.

 La directive a aussi un impact notable sur les différents droits du travail. (...)