
"La mise en perspective du projet GIGEO dans l’ensemble beaucoup plus vaste que constitue la gestion à court, moyen et long terme des matières nucléaires dangereuses, met en évidence l’inadéquation et les risques de ce projet."
Alors que les réunions publiques proposées par la Commission nationale du débat public sur le projet Cigeo (Centre industriel de stockage géologique) se révèlent impossibles à tenir du fait d’une forte opposition à leur tenue, il peut être utile de s’interroger sur la pertinence de ce projet dans le cadre de l’ensemble des questions soulevées par l’aval du cycle nucléaire, plutôt que de tenter de cantonner le débat à un projet qui est loin d’être à la dimension des questions posées et qui, même dans sa propre logique, est très contestable.
Pour sortir de la situation actuelle par le haut, il faudrait se donner le temps de faire le tour des questions liées au devenir de l’ensemble des matières radioactives dangereuses selon les scénarios qui sortiront du débat national sur la transition énergétique et selon les évolutions des technologies nucléaires ?
Cela permettrait d’envisager plus sereinement les avantages et les inconvénients des différentes stratégies possibles avant de s’engager pour une centaine d’années dans ce projet contesté. (...)
Le projet Cigeo, centré sur le stockage d’un type précis de déchets HAVL dits « ultimes » aujourd’hui et pendant les cent ans qui viennent, a toutes chances d’être totalement inadapté au stockage de matières nucléaires dangereuses qui vont se révéler comme des déchets au cours du XXIe siècle, dont la composition et les caractéristiques ne sont pas connues et qui pourraient représenter jusqu’ à vingt fois les déchets considérés comme « ultimes » aujourd’hui.
Un projet qui cherche sa justification dans des préoccupations de très long terme (plus de milleans ans) au prix de grandes incertitudes sur le court et moyen terme (cent ans)...
La logique du projet Cigeo est complètement tournée vers le très long terme, avec la volonté de répondre à une question unique : comment assurer la stabilité du stockage des « déchets ultimes » sur des durées géologiques.
La solution choisie repose sur le double concept de « barrière naturelle » qu’apporterait à très long terme les couches géologiques (à condition d’être judicieusement choisies) à la migration éventuelle des particules radioactives mais aussi d’irréversibilité.
En effet le but revendiqué de l’opération est de pouvoir « oublier » ces déchets en rendant impossible leur accès à l’homme pendant des dizaines de générations. Dans cette perspective, les questions de court et moyen terme (moins de cent ans) ont été considérées que comme accessoires dans le projet.
Cette logique d’oubli et de confiance dans la nature et la technique comme garantie de sûreté a fait l’objet de vives controverses (...)