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Le port du Pirée racheté par le géant chinois du fret maritime : « Que diable allaient-ils faire dans cette trière ? »
Article mis en ligne le 28 janvier 2019
dernière modification le 26 janvier 2019

Le port du Pirée racheté par le géant chinois du fret maritime : « Que diable allaient-ils faire dans cette trière ? »

Le gouvernement Tsipras et l’oligarchie grecque ont tout fait pour que la compagnie para-étatique chinoise Cosco prenne possession du Pirée, l’un des principaux ports de commerce de la Méditerranée. Pas vraiment une aubaine pour les travailleurs grecs. C’est en tout cas ce que disent les premiers concernés, lesquels évoquent un véritable bordel organisé. Enquête aux portes d’Athènes. (...)

Cosco est un géant mondial du fret maritime, dont les fonds sont approvisionnés par des banques d’État chinoises. Tout sauf un hasard. L’acquisition du port du Pirée est en effet une opération éminemment stratégique pour la Chine, qui ambitionne d’ouvrir une nouvelle « route de la soie » et ainsi s’offrir un accès privilégié au marché européen.

En face, le TAIPED, fonds grec de privatisation tenu par la Troïka. Selon cette dernière, la vente du port du Pirée participerait largement du programme de recouvrement de la dette grecque. Ce n’est pas gagné, les estimations les plus optimistes chiffrant à 1,5 milliard d’euros les gains générés par la privatisation. Un montant insignifiant comparé à une dette nationale avoisinant les 310 milliards.

Dès 2009, les terminaux II et III sont vendus à la Piraeus Company Terminal (PCT), filiale de Cosco. Ce n’est qu’un début. Le 26 juin 2016, le gouvernement Tsipras fait un pas supplémentaire en cédant 51% des parts au mastodonte du transport maritime. L’accord prévoit qu’à terme COSCO détiendra 67 % du Pirée, pour un montant total de 368,5 millions d’euros. Même en ajoutant les 300 millions d’euros d’investissements prévus par Cosco, ainsi que 410 millions d’euros de revenus liés à la concession, on arrive difficilement aux 1,5 milliard annoncés. Magie des soldes.

Bien informé, un employé de Cosco fait part de son ressentiment vis-à-vis d’une opération qu’il considère comme un cadeau du gouvernement grec : « Tsipras avait promis qu’il ne vendrait pas le port. Il a fini par le brader ! Le pire, c’est qu’il restait 65 millions d’euros dans les caisses, qui sont allés directement dans les poches de Cosco ! ». (...)

Maintenant que Cosco est le nouveau propriétaire du port, sa propre filiale lui paiera tous les ans les droits de concession. C’est ce qu’on appelle un cercle vertueux du capital. Et un investissement à risques minimes pour Cosco, qui profite allègrement des largesses du TAIPED et du gouvernement grec. (...)

Sur la partie du port contrôlée par PCT, la filiale de la maison-mère, les ouvriers-fonctionnaires ont été remplacés par des travailleurs flexibles, répartis entre différents prestataires de services. PCT a créé une grosse centaine d’emplois directs pour assurer la direction des affaires et la réalisation des tâches administratives. Concernant le « gros œuvre » (manutention, entretien des machines, etc.), c’est un grand nom de la logistique grecque, Elgeka, qui a décroché le jackpot. L’entreprise s’est empressée de fonder Diakinis Port Ltd, qui emploie aujourd’hui entre 120 et 150 personnes. Les mille travailleurs restants sont embauchés par 5 autres prestataires de services grecs, contractualisés à leur tour par Diakinis. Au total, ce sont environ 1 300 contrats qui passent par l’entreprise ou ses prestataires.

Un imbroglio organisationnel qui fait partie intégrante de la stratégie de management. « L’organisation du travail est un aperçu de ce qui se fait ailleurs en Grèce », explique un représentant du personnel des travailleurs du port du Pirée employés par Diakinisis (ENEDEP). « Cela permet à Cosco de se protéger : on ne peut pas l’affronter directement. La direction peut toujours dire que ce n’est pas de sa responsabilité. » (...)

Sous couvert de l’intérêt commun (la lutte contre le chômage pour Alexis Tsipras, le développement entrepreneurial pour Petros Kokkalis), la démocratie grecque se bafoue elle-même. Il s’agit d’attirer les investisseurs, quelles que soient les conditions. L’essentiel ? Que l’argent rentre, que ça circule. C’est une « stratégie win-win », comme le dit Cosco dans une lettre envoyée à ses nouveaux employés : tout le monde gagne, « en parfaite harmonie ». Enfin... Tout le monde... T’as qu’à ramer, d’abord ! Tu verras ensuite.