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"Le plus dur, c’est de ne pas savoir" : les familles de sans-papiers démunies face aux accidents du travail dans le bâtiment
Article mis en ligne le 21 mai 2021

À quelques jours d’intervalle, deux travailleurs sans-papiers maliens vivant à Montreuil ont été victimes, en avril, de graves accidents du travail. Bary Keita, 27 ans, a succombé à ses blessures. Birima Konaté, 47 ans, lui, a été gravement blessé et est aujourd’hui en convalescence. Dans les deux cas, leurs employeurs ont tenté de dissimuler la gravité des faits. Leurs familles réclament de connaître la vérité sur ces accidents.

Birima Konaté est chargé, avec un autre ouvrier, de cisailler de la ferraille au sol du troisième étage du bâtiment. Mais l’opération fragilise la dalle de béton sur laquelle se trouve le Malien. En fin de journée, un morceau du sol finit par s’effondrer et Birima Konaté chute de trois étages. Il tombe en position assise au rez-de-chaussée et perd à moitié connaissance.

À partir de ce moment-là, le travailleur assure ne plus se souvenir du déroulé des événements. "Je me rappelle juste que des ouvriers m’ont aidé à marcher quelques mètres jusqu’à la voiture et qu’un collaborateur de mon employeur m’a conduit jusqu’au foyer", raconte-t-il. Personne ne prévient les secours.
"La voiture l’a déposé sur la route"

Le jour de l’accident, comme tous les jours, une dizaine de personnes se trouvent sur le trottoir, devant le foyer de Montreuil (région parisienne) où vit Birima Konaté. Des résidents discutent sur des chaises en plastique à côté des petites échoppes où l’on vend des fruits, des cigarettes et des arachides. Malé Doucouré, un résident du foyer, était parmi eux et se souvient du moment où Birima a été ramené après l’accident.

Rencontré au début du mois de mai, devant le foyer, il raconte ce à quoi il a assisté le 22 avril : "La voiture l’a déposé juste là devant, sur la route. Birima était assis à l’arrière. Quand il est arrivé, il n’avait pas l’air bien du tout. On lui a demandé ce qu’il avait. Il n’a pas parlé mais il nous a fait signe qu’il avait mal au dos, donc on a apporté une chaise pour l’asseoir."

Selon lui, le conducteur de la voiture a à peine attendu que la portière de Birima soit refermée pour repartir en trombe.

Ce n’est qu’à ce moment-là que les secours sont appelés par des résidents du foyer. Le Samu arrive en premier, suivi des pompiers puis des policiers. Birima Konaté est emmené en urgence à l’hôpital Beaujon, à Clichy. Le Malien souffre d’une grave fracture de la deuxième vertèbre lombaire. Il est opéré le lendemain de son arrivée à l’hôpital et échappe de peu à une paralysie des membres inférieurs. (...)

Quelques jours plus tôt, un autre travailleur malien, lui aussi sans-papiers, avait déjà été victime d’un dramatique accident du travail. Le 17 avril, Bary Keita, 27 ans, a fait une chute alors qu’il travaillait sur un chantier de Pantin, en Seine-Saint-Denis. Tombé dans le coma après le choc, le jeune homme est envoyé, lui aussi, à l’hôpital Beaujon, à Clichy, où il est immédiatement opéré.

"Le lendemain matin, à 7 heures, on m’a appelé pour me dire que sa situation s’était dégradée dans la nuit et, à 9 heures, on m’a dit que son cerveau était mort et qu’il ne se réveillerait plus", raconte Boubou Konaté, cousin du jeune Bary et son plus proche parent en France (...)

Sous-traitants en chaîne

"Les conditions d’exploitation [des sans-papiers] sont absolument déplorables", dénonce Gaël, un soutien du collectif des sans-papiers de Montreuil qui ne souhaite pas que son nom de famille soit publié. "Bary Keita ne portait pas de casque […] Les patrons profitent de la situation administrative des sans-papiers. Ces derniers n’ont pas le choix d’accepter des emplois en se montrant peu regardants sur les conditions de travail." (...)

"Quand il y a des appels d’offres, les grosses boîtes répondent. Elles prennent leur commission et font appel à un sous-traitant qui peut, à son tour, appeler un sous-traitant en se prenant une commission. À chaque fois, la masse de budget alloué pour le chantier diminue. Donc, à la fin, le dernier sous-traitant prend des sans-papiers. C’est un cercle vicieux", explique cet ancien éducateur spécialisé, dans les locaux de la bourse du travail de Montreuil. Et sans contrat de travail en règle, impossible pour les étrangers d’obtenir un titre de séjour en France. (...)

Les employeurs reconnus coupables peuvent être condamnés à payer de fortes amendes et même à des peines de prison en cas d’accident grave. (...)