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« Le nucléaire n’a pas été conçu pour résister à des attentats » - Film diffusé ce soir mardi 5 décembre sur Arte à 20h50
Entretien avec Éric Guéret - Le film est diffusé ce soir mardi 5 décembre sur Arte à 20h50
Article mis en ligne le 5 décembre 2017

Les centrales nucléaires françaises sont très vulnérables aux attaques terroristes. C’est la conclusion du documentariste Éric Guéret, auteur, avec Laure Noualhat, de « Sécurité nucléaire : le grand mensonge », diffusé mardi 5 décembre sur Arte. Reporterre l’a rencontré.

Ce n’est pas la première fois qu’Éric Guéret plonge dans la soupe nucléaire. Le documentariste avait déjà fait ses armes en 2005 avec Opération plutonium et remis le couvert en 2009 pour Déchets, le cauchemar du nucléaire. Si, à l’époque, le réalisateur avait déjà en tête le problème de la sécurité nucléaire, le contexte terroriste international l’a convaincu de s’emparer du sujet une troisième fois pour lever le voile, avec Laure Noualhat, sur les fragilités des systèmes de défense du nucléaire civil français. Deux années d’enquête ont été nécessaires pour réaliser Sécurité nucléaire : le grand mensonge (diffusé ce mardi 5 décembre sur Arte) afin de savoir si, caché derrière le secret-défense, les États et l’industrie nucléaire peuvent garantir la sécurité des citoyens. Pour répondre, le film conduit ses spectateurs au cœur des opérations d’occupation et de surveillance de Greenpeace France et à la rencontre des experts internationaux de la sécurité de l’atome. Il démontre qu’un petit groupe organisé peut mettre en péril la sécurité de milliers de personnes. Et soulève le criant problème des piscines de stockage des combustibles usés. (...)

Ce qui empêche la tenue d’un débat rationnel, c’est l’ancrage auprès des élites de cette vision de grandeur de la France à travers le nucléaire. L’idée a été défendue principalement par les ingénieurs du Corps des mines, mais elle a complètement imprégné le tissu politique. On trouve peu de politiciens qui ont le courage de remettre cela en cause. Mais il faut sortir de ce mythe nucléaire. Car les conséquences en sont que nous perdons du temps et ratons les rendez-vous sur les énergies d’avenir et renouvelables. Quand vous mettez 80 % des crédits de développement dans le nucléaire, vous ne mettez pas l’argent ailleurs.

Vous démontrez dans votre documentaire les faiblesses de sécurité du parc nucléaire français. Vous montrez comment attaquer une centrale en son point le plus fragile avec un drone… Présenter ces informations, n’est-ce pas donner des armes aux terroristes ?

C’est une question qu’on s’est posée, mais on ne le pense pas. Il y a une phrase très importante à la fin du film sur les leçons à tirer du 11 Septembre : « Ne sous-estimez pas vos adversaires. Il faut entretenir le doute sur vos propres capacités. » Aujourd’hui, les réseaux terroristes ont beaucoup plus de moyens que nous pour enquêter, pour recruter des experts… Toutes les informations que nous avons trouvées sont accessibles dans le domaine public, dans les rapports de l’IRSN [l’Institut de radiodétection et de sûreté nucléaire], dans les rapports de sûreté états-uniens et belges, dans les rapports de l’industrie… C’est la fragilité que nous voulons montrer : des personnes organisées trouveront les mêmes informations que nous. La simple observation permet de comprendre les mécaniques des transports en camion de plutonium, qui sont réglés à la minute près sur les mêmes trajets. Malheureusement, les terroristes n’ont pas besoin de nous pour avoir des idées : il y a eu 83 attaques ou malveillances sur le nucléaire depuis 60 ans. (...)

Là où notre travail est nécessaire, c’est qu’à partir du moment où les autorités pensent que le secret suffit à protéger, elles mettent peu de moyens supplémentaires en œuvre. Nous démontrons que le secret ne peut pas être le pilier principal de la stratégie de défense. C’est un travail de lanceur d’alerte : si on ne le dit pas, les choses ne progressent pas, car cela coûte cher et que c’est compliqué à appliquer.

Quelles réactions souhaitez-vous provoquer avec ce film ?

J’aimerais que ce film fasse prendre conscience à chacun du risque réel que cette industrie lui fait courir. Il faut sortir de cette idéologie du nucléaire propre, d’avenir, sécurisé… Nous vivons dans une idéologie portée par des militants pronucléaires. Ensuite, j’aimerais que la politique s’empare de la question. (...)

Quelles sont les solutions envisageables pour réduire les risques auxquels est exposé le parc nucléaire français ?

Ce qui est terrible dans ce que nous avons découvert, c’est que je ne suis pas sûr que ce soit réellement sécurisable. Il y a une forme d’impasse dans cette industrie, et elle apparaît incompatible avec l’état du terrorisme actuel, avec la progression des technologies, comme les drones et certains types d’armes, avec la folie des hommes qui sont prêts à se suicider pour faire le maximum de victimes. Cela pose une question structurelle : ce mode d’énergie est-il compatible avec le monde d’aujourd’hui ? (...)

Il est absolument effrayant qu’à moins de deux semaines d’intervalles, Greenpeace arrive à s’introduire dans deux centrales différentes et à s’approcher des piscines à combustible. Il faudrait surtout vider au maximum les matières nucléaires des sites, sortir les combustibles pour les sécuriser dans les systèmes les plus sûrs, au sec.
Ensuite, il y a une vraie réflexion à avoir sur la gouvernance mondiale. Aujourd’hui, on se rend compte qu’il n’y a aucune instance internationale qui puisse imposer à un pays tel type de gestion. Malheureusement, en cas de problème, tout le monde est victime. (...)

Il faudrait une agence internationale, indépendante, qui ait un pouvoir d’expertise, et un pouvoir de contrainte sur cette industrie.

LE FILM PEUT ÊTRE VU ICI jusqu’en février 2018