
Une des principales causes des accidents nucléaires est le "facteur humain", c’est-à-dire les erreurs commises par les opérateurs des centrales. Or les rapports officiels montrent une multiplication de ces erreurs humaines dans les centrales françaises.
On constate une tendance croissante chez les promoteurs du nucléaire et leurs émules à présenter les grands accidents nucléaires comme des catastrophes naturelles dans lesquelles la responsabilité humaine serait relativement limitée, voire inexistante : les fameux « Acts of God » [actes de Dieu] de la littérature anglo-saxonne.
En réalité, l’utilisation de l’énergie nucléaire, notamment pour la production d’électricité, est une technologie inventée et mise au point par des scientifiques et des ingénieurs, approuvée et décidée par des dirigeants industriels, économiques et politiques.
La responsabilité humaine des accidents nucléaires est entière, à différents niveaux et différents degrés et l’erreur humaine peut se manifester à tous les stades du développement et de la mise en œuvre de cette technique d’utilisation de l’énergie libérée par la fission et la réaction en chaîne pour produire de la chaleur, puis de l’électricité (...)
L’industrie nucléaire a toujours été confrontée à des erreurs humaines et la France n’est pas exempte de fausses manœuvres, d’erreurs de conception ou de défaillances imprévues de certains dispositifs qui ont abouti à des situations incidentelles ou accidentelles.
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Pour expliquer ces erreurs humaines croissantes, l’IRSN cite notamment la complexification des procédures mais aussi « la recherche de productivité » qui « conduit à de fortes tensions sur les activités pendant les arrêts de réacteurs ». Les statistiques réalisées sont éloquentes : les événements significatifs pour la sûreté (ESS) pendant les arrêts représentent à eux seuls 45% du total recensé en 2009, alors qu’un réacteur est en arrêt pour rechargement en moyenne environ 10% de l’année.
Une tendance similaire pour les opérations de maintenance, qui ont représenté en 2009 près de 30% des ESS survenus sur le parc nucléaire français et qui sont « essentiellement d’origine humaine ou organisationnelle », souligne l’IRSN. (...)
Le rapport 2010 de l’IRSN sur la sûreté du parc électronucléaire français, même s’il essaie d’esquiver le problème des facteurs organisationnels et humains, prouve que la situation se dégrade nettement dans les centrales [9].
« Malgré les différents plans déployés par EDF à l’échelle du parc pour améliorer la maîtrise des opérations relatives à la maintenance et aux modifications matérielles, le nombre d’événements significatifs liés à ces activités est élevé depuis trois ans (environ 180 ESS [10] par an). Près de la moitié de ces ESS impliquent directement les agents EDF [11] ».
L’IRSN constate qu’une part importante des ESS survenus en 2010 est la conséquence de défauts de préparation des interventions. L’institut confirme ainsi les critiques de l’ASN sur le « Plan performance humaine » mis en œuvre par EDF depuis 2007 : « Nous pointons une augmentation du nombre d’incidents lié à des activités de maintenance, mais nous ne l’attribuons pas aux sous-traitants », précise Pascal Quentin, l’adjoint au directeur de la sûreté des réacteurs à l’IRSN (...)
Le détail de ces manquements aux règles les plus élémentaires de sûreté établis par l’IRSN est édifiant : défaut des dispositifs de confinement, indisponibilité des systèmes de ventilation, défaillance des instruments de régulation de la puissance neutronique, etc. Et dans bien des cas ces ESS se produisent parce que les STE sont tout simplement ignorées (77 en 2010 contre 58 en 2009).
Comment s’étonner dès lors de l’épisode risible (mais inquiétant) qui a eu lieu le 30 novembre 2011 à la centrale de Paluel [13] : « Documentation foisonnante et parfois erronée, clef du tableau électrique indisponible car en commande : une visite inopinée de parlementaires dans deux centrales nucléaires pour des exercices d’urgence n’a rien dévoilé d’alarmant mais donné lieu à des ’situations parfois burlesques’ ».