
Souvent, les choses ne sont pas comme elles devraient être. L’actualité de la semaine dernière en a été, une nouvelle fois, l’illustration : la fille a donné la leçon au père, la manifestation du 11 janvier, cet engagement pour la liberté d’expression, a été définitivement détournée et pervertie par le projet de loi liberticide sur le renseignement et, avec la cuve du réacteur de l’EPR de Flamanville (1), l’irrationnel s’est spectaculairement invité dans ce qui devrait être le temple de la rationalité, de la maîtrise technique, du contrôle, de l’expertise. Ce dernier point est sans nul doute le plus déconcertant et le plus déstabilisant, car si la politique française nous a habitués depuis longtemps à toutes les transgressions, le burlesque n’a théoriquement pas droit de cité dans une filière aussi contrôlée et surveillée que celle du nucléaire.
Avec son fond de cuve défectueux, le chantier de l’EPR de Flamanville est décidément un tonneau des danaïdes pour les finances publiques : déjà affecté par de nombreux retards, le coût de la centrale ( si jamais celle-ci rentre un jour en service) menace désormais de dépasser les 10 milliards d’euros pour un coût initialement estimé à 3,4 milliards d’euros.
En France, l’industrie nucléaire représente 2500 entreprises et 220.000 salariés, des investissements colossaux, et un pari sur l’avenir un peu insensé ; c’est une sorte de colosse aux pieds d’argile soutenu de façon indéfectible par tous les gouvernements successifs. Car, s’il est devenu, grâce aux politiques et à l’argent public, un secteur économique de premier plan, le nucléaire est aussi, par sa face militaire cachée, dans la Vème République et depuis le général de Gaulle, le symbole de la toute puissance du chef de l’Etat, la clé de voûte de notre force de frappe. C’est aussi la chasse gardée d’une petite caste d’ingénieurs issus du corps prestigieux des Mines. Sur le plan anthropologique, c’est donc un domaine particulièrement propice à tous les dysfonctionnements liés à des égos surdimensionnés et un beau cocktail de délires humains. Et pour ce secteur totalement hors norme dont le dernier incident de parcours illustre la démesure et probablement pas ce que l’on attend d’une « filière d’excellence française », selon les mots de François Hollande, le gouvernement est prêt à exiger des français tous les sacrifices. Afin d’éponger la dette astronomique cumulée issue des aléas miniers et industriels rocambolesques d’AREVA et d’EDF, le contribuable et l’usager seront mis à contribution. Notre confort électrique ainsi que notre indépendance militaire méritent bien quelques sacrifices. Les économies concerneront d’autres secteurs.
Car ce qui vaut pour le nucléaire ne vaut pas par exemple pour la culture, domaine moins stratégique et beaucoup plus futile. Ainsi, a-t-on appris cette semaine, par un tweet de Fleur Pellerin, à l’occasion du lancement du Forum « Entreprendre dans la culture », qu’il s’agissait désormais pour le pouvoir de « promouvoir et de valoriser l’entreprenariat dans le champ des industries culturelles ». La culture, à la différence de la fée électricité, doit être considérée comme un produit comme un autre, soumis à l’impératif économique et objet de marketing.
Avec ce gouvernement socialiste, il nous faut apprendre à raisonner de façon paradoxale, peut-être le « cul par-dessus tête ».
La rigueur, la norme, le contrôle, la rentabilité, s’appliqueront désormais à la culture tandis que l’approximation, l’improvisation, le folklore, seront les attributs du nucléaire français.
Et tout cela doit se faire dans le respect de l’ordre, car nous avons un premier ministre qui, enfant, « sortait même du lit pour remettre ses chaussons bien en place à côté du lit, bien parallèles ».
Selon Pierre-Franck Chauvet, le président de l’ASN (l’Autorité de sûreté nucléaire ), « l’anomalie concerne le couvercle et le fond de la cuve. Ces zones ne présentent pas l’homogénéité requise, ce qui se traduit par une faille de la résistance mécanique. C’est sérieux, très sérieux, et il s’agit d’un composant crucial du réacteur qui ne doit pas rompre »