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Le nucléaire à l’agonie… mais à l’offensive
Article mis en ligne le 18 septembre 2022

La moitié des réacteurs français ont passé l’été à l’arrêt mais le gouvernement voit toujours l’atome comme une filière d’avenir. Vanté comme une solution miracle au dérèglement climatique, le nucléaire y est surtout très vulnérable.

Sale temps pour le nucléaire civil français. Plombée par d’indispensables opérations de maintenance et un problème de corrosion sur plusieurs de ses centrales les plus récentes, EDF a dû mettre plus de la moitié de ses 56 réacteurs en pause forcée. Le 25 août, 32 étaient toujours à l’arrêt. La baisse de production a été telle que l’Hexagone, habituellement exportateur, a dû acheter de l’électricité à ses voisins pour subvenir à ses besoins. Sur fond de pénurie de gaz russe, l’hiver s’annonce incertain pour le réseau électrique européen. Y aura-t-il de l’électricité à Noël ?

Figure de proue du secteur, EDF traîne une dette qui dépassera bientôt les 50 milliards d’euros. Et, symbole des errances de la filière, le tout nouveau réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville (Manche) ne rentrera en production que fin 2023 au mieux – avec onze ans de retard et un surcoût de près 16 milliards d’euros selon la Cour des comptes (19,1 milliards contre 3,3 prévus initialement).

C’est pourtant sur cette filière à l’agonie que le gouvernement parie pour assurer, aux côtés des énergies renouvelables, l’essentiel de la production électrique du siècle à venir. (...)

L’argument du bilan carbone

Pour justifier ce retour en arrière (aucune centrale n’a été mise en service depuis 2002), le président a eu recours à un classique du storytelling atomique français : l’« indépendance énergétique » du pays – alors même que l’uranium qui fait tourner les centrales est intégralement importé. Mais il a surtout vanté le faible bilan carbone du nucléaire.

Depuis que le dérèglement climatique fait la une des journaux, tout ce que le secteur atomique compte de communicants et de lobbyistes reprend cet argument ad nauseam. Ça a fini par payer : au sein même des familles de pensée écologistes et décroissantes, la doctrine pronucléaire se répand peu à peu, sous l’influence notamment de l’ingénieur Jean-Marc Jancovici. Mêlant un discours convaincant sur l’urgence climatique et les limites de la croissance à un solutionnisme nucléaire aveugle, cette « star du climat » a l’oreille des puissants comme du grand public. . (...)

Alors que les deux premiers des six nouveaux EPR annoncés par Emmanuel Macron sont censés être mis en service « à l’horizon 2035 », cette échéance est jugée illusoire… par l’État lui-même. Dans une version de travail d’un rapport gouvernemental dénichée par le média Contexte 1, on apprend que l’administration vise plutôt une mise en service en 2040. En cas de « scénario fortement dégradé », le démarrage serait même repoussé au-delà de 2045...

Le comble, c’est qu’alors que le nucléaire se pose en solution miracle au dérèglement climatique, il y est lui-même extrêmement vulnérable. Ces dernières années, les réacteurs français commencent déjà à souffrir de la sécheresse (...)

À long terme, ce sont surtout des enjeux de sûreté qui vont se poser. Conséquence du réchauffement global, les paysages vont se modifier durablement (...) « Le nucléaire est une industrie dangereuse et complexe, qui nécessite une prévisibilité très forte », pointe Charlotte Mijeon, du réseau Sortir du nucléaire. Or, le réchauffement climatique, c’est l’inconnu… (...)

Et les déchets ?

Reste la sempiternelle question des déchets, que Jean-Marc Jancovici balaye d’un revers de la main, arguant sur le site d’Orano (ex-Areva) qu’ils « n’ont jamais fait un seul mort ». Les plus dangereux de ces déchets resteront tout de même radioactifs pendant près d’un million d’années…

Sur ce front-là aussi, l’État avance. Début juillet, la future poubelle nucléaire de Bure (Meuse) a été déclarée d’utilité publique.

Une étape importante : si le recours que les opposants au projet s’apprêtent à déposer n’aboutit pas, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) pourra recourir à l’expropriation pour récupérer le foncier qui lui manque encore. « Rien ne doit arrêter la relance du nucléaire en France », grimace Charlotte Mijeon, qui dénonce entre autres un projet « pas mûr » technologiquement. Sur place, la résistance continue de s’organiser.