
Quarante ans après l’appel des « 343 », des femmes publient dans « Libération » un texte contre les inégalités d’aujourd’hui.
Voici les salopes d’aujourd’hui. 343 femmes. Elles auraient pu être davantage, mais il fallait coller à ce chiffre qui a façonné la mémoire de la société française. Le 5 avril 1971, 343 femmes signaient dans le Nouvel Observateur un manifeste pour réclamer « l’avortement libre ». Parmi celles que Charlie Hebdo a rebaptisées « les 343 salopes », Simone de Beauvoir, Delphine Seyrig, Catherine Deneuve, Françoise Sagan osaient écrire : « Un million de femmes se font avorter chaque année en France… Je déclare que je suis l’une d’elles. »
« Flambeau ». Quatre décennies plus tard, les femmes ont encore beaucoup à dire et elles ont choisi Libération pour le faire. Des actrices, des comiques, des chanteuses, des romancières se sont jointes à des universitaires, à des bénévoles d’associations, des chercheures, plus anonymes (lire ci-contre). Ces 343 signataires de 2011 ont toutes entendu : « Aujourd’hui, tout est réglé », ou « les femmes ont conquis leurs droits ». Elles pensent qu’il n’y a qu’à regarder autour de soi pour se rendre compte qu’il n’en est rien(...)
Ce manifeste est d’ailleurs une idée des « historiques », celles qui se sont battues dans le sillage de Mai 68. Certaines d’entre elles ont signé les deux textes, à quarante ans de distance. Mais ce sont les plus jeunes qui l’ont rédigé et fait circuler. « On s’inscrit dans une histoire. On reprend le flambeau »(...)
Pour ces femmes militantes, l’égalité homme-femme est un enjeu politique, pas un truc périphérique pour emmerder les mecs. C’est pourquoi le manifeste d’aujourd’hui, intitulé « L’égalité maintenant ! », porte sur l’avortement mais aussi sur les violences sexistes, les retraites et les salaires « inférieurs à ceux des hommes », sur les tâches ménagères, la maternité obligatoire ou les portes du pouvoir trop souvent fermées… Faut-il parler de « patriarcat ? » De « domination masculine » ? C’est tout un système à repenser. De toute urgence. Elles sont 343 à le dire.(...)
La loi de 2001 qui prolonge les délais légaux de l’IVG reste parfois sans effet à cause de l’engorgement de certains centres. Les femmes dépassent les délais et sont obligées d’aller à l’étranger, c’est le cas de 5 000 femmes par an.
« L’avortement reste tabou, alors que 40% des femmes y auront recours dans leur vie. Je l’ai vu autour de moi. Des copines m’en ont parlé, mais plusieurs années après, pour me dire que ça avait été difficile, qu’on leur avait dit qu’elles n’avaient pas bien pris la pilule, qu’on les avait culpabilisées. En 2009, quand le planning familial a eu des difficultés, ça a fait tilt dans ma tête : ce lien entre casse d’un service public et remise en cause d’un droit. J’ai été élevée avec l’idée qu’homme et femme sont à égalité, qu’on a le droit à la contraception, l’avortement, et puis sur le marché du travail et dans ma vie contraceptive, face à ces difficultés pour avoir une IVG, j’ai vu que rien n’était acquis. » (...)