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« Le monde est à l’envers » - Entretien avec Susan George
Article mis en ligne le 19 mai 2018
dernière modification le 18 mai 2018

« Le monde est à l’envers : l’environnement devrait être au sommet des préoccupations et la finance un outil au service de l’économie et des besoins humains »

Si je me souviens bien, c’est au moment de la campagne contre l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) qu’un premier contact a eu lieu avec toi, Susan…
Au moment de la naissance d’Attac, j’étais en effet présidente de l’Observatoire de la mondialisation créé, entre autres, par Agnès Bertrand et Christian de Brie du Monde diplomatique. En 1997, nous avions réussi à nous procurer le texte secret de cet accord grâce à Tony Clarke du Polaris Institute (Canada). Et c’est ainsi que nous avons appris que des négociations se tenaient depuis 1995 au siège de l’OCDE à Paris sous la supervision du Fonds monétaire international (FMI) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Avec la possibilité donnée aux multinationales de poursuivre les gouvernements devant des tribunaux d’arbitrage privés, l’AMI était une véritable menace sur les politiques de santé publique, d’environnement, d’éducation, de développement… Après une grande campagne de presse, une commission mise en place par le gouvernement Jospin, la Commission Lalumière [2], était chargée d’étudier les conséquences de l’AMI pour la France. Avec Greenpeace, nous avons été les seules ONG à apporter notre témoignage devant cette commission et j’ai su, depuis, que notre intervention, de l’avocat Nuri Albala et moi-même, avait été déterminante. Nous avions pour slogan « Dracula n’aime pas la lumière », inventé par Lori Wallach de l’ONG nord-américaine Public Citizen. Il faut dire que le Parti socialiste avait envoyé à la table des négociations des gens très peu informés du dossier, alors que nous-mêmes étions extrêmement bien préparés. C’est d’ailleurs pourquoi je recommande toujours aux militant-e-s de bien maîtriser leurs dossiers. (...)

C’est un des très rares succès de ma vie d’activiste que d’avoir réussi avec d’autres à empêcher l’adoption de cet accord. (...)

Bien avant l’existence d’Attac, mes premières interventions ont porté sur la guerre du Vietnam. C’est d’ailleurs comme cela que je me suis politisée. Avant, j’étais une jeune fille bourgeoise américaine, même pas féministe car relativement privilégiée : je pensais que les femmes pouvaient, à mon image, faire ce qu’elles voulaient. Je m’étais mariée à 22 ans et j’ai repris des études après que mes trois enfants furent à l’école, en 1965-66. (...)

On vit des situations paradoxales. Par exemple, même le Financial Times a publié des informations très précises sur le fait que les multinationales ne paient pas leurs impôts. Et pourtant la finance continue d’être hégémonique. Mais il y a quelque chose de pire que le néolibéralisme : c’est le libertarianisme. Le Cato Institute aux USA en est le think tank, fondé et financé par les frères Koch qui soutiennent tout ce qui est à l’extrême-droite et veulent tout privatiser. Steve Bannon en est le prophète et s’est donné la mission d’expliquer aux Européen.ne.s que c’est la voie à suivre. Cette mouvance est responsable du Brexit, de Trump et d’énormes changements dans bien des pays européens dont l’Italie. Espérons que Macron n’en prenne pas trop le chemin.