
Les chiffres sont passés inaperçus, pourtant ils sont terribles : selon une enquête réalisée par l’institut CSA pour l’Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial), le mécénat de la culture est passé de 975 millions d’euros à 380 millions d’euros de 2008 à 2010, accusant une perte de 595 millions d’euros, soit 63 %.
Pour le président de l’Admical, Olivier Tcherniak, les dés en sont jetés : "Le mécénat culturel est en train de mourir, ou du moins, de se transformer radicalement." La crise ? Elle ne serait que la partie immergée d’un iceberg en train de fondre. Le mécénat, en effet, à l’image de notre société avide de profits à court terme, a progressivement dérivé vers la communication. Laquelle s’est ralliée naturellement aux grandes institutions culturelles. "Plutôt que de financer quinze petites structures, on préfère investir dans un grand projet plus visible", constate Olivier Tcherniak. (...)
Pointé par tous, le désengagement de l’Etat pèse lourd. "Le mécénat est très clairement lié à l’affirmation d’une politique culturelle forte, renchérit Mme Tridde-Mazloum. Or le désengagement des pouvoirs publics et le manque de grands projets culturels découragent les entreprises." (...)
Tandis que les grosses structures voyaient leur mécénat se stabiliser, voire augmenter, la situation est devenue plus critique pour les plus fragiles, notamment le spectacle vivant. Le Festival d’Avignon a perdu son principal soutien, Dexia, qu’il est finalement parvenu à remplacer (Fondation Crédit coopératif). (...)
La concurrence n’a jamais été aussi rude : ces dix dernières années ont vu les banques et compagnies d’assurances fusionner, réduisant d’autant les guichets, alors même que la recherche et l’enseignement supérieur partaient à leur tour en croisade. "Depuis trois, quatre ans, le nombre de demandes a explosé de 30 %, confie Martine Tridde-Mazloum. Nous recevons en moyenne 4 000 dossiers par an, dont deux ou trois seulement sont affectés." (...)
Quelques facteurs encourageants demeurent. Interrogées, 70 % des entreprises déclarent vouloir maintenir sinon développer leur mécénat. Les PME et PMI s’impliquent dans le mécénat de proximité. Et le mécénat individuel émerge. (...)
Faible consolation. Entre la raréfaction des flux financiers et les exigences accrues des entreprises, la situation se dégrade. L’humour noir de Martine Tridde-Mazloum pourrait bien devenir réalité : "Je dis parfois aux artistes que la chance qu’ils vont avoir à devenir des précaires, c’est qu’on va bientôt pouvoir les aider au titre de la solidarité !" (...)