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la vie des idées
Le lobby des labos
Quentin Ravelli, La stratégie de la bactérie, Paris, Seuil, 2015, 368 p., 23,50€.
Article mis en ligne le 26 septembre 2016
dernière modification le 19 septembre 2016

Qu’est-ce qui définit la valeur d’un médicament ? À partir d’une ethnographie de l’industrie pharmaceutique, Q. Ravelli montre l’omniprésence des industriels, de la formation au cabinet des médecins, et les logiques commerciales qui sous-tendent les usages médicaux.

C’est au plus près des acteurs et de leurs pratiques que le sociologue Quentin Ravelli est allé chercher le matériau constitutif de cette analyse critique de l’industrie pharmaceutique et du marché du médicament. Écrit dans un style immersif, cet ouvrage issu de son travail de thèse propose au lecteur de suivre la vie commerciale et scientifique d’un antibiotique largement prescrit en France, la Pyostacine, propriété du laboratoire Sanofi.

Pour comprendre le fonctionnement de cet acteur industriel, l’auteur propose de l’observer au quotidien, en situation de travail, dans l’exercice de ses routines argumentatives et organisationnelles, loin des récents scandales qui ont affecté la profession. L’antibiotique analysé n’a ainsi rien de commun avec la carrière du Mediator ou du Vioxx, et l’enjeu industriel analysé relève bien de la routine : repositionner la Pyostacine, majoritairement prescrite en dermatologie, dans le domaine des infections respiratoires. Dans cette perspective, l’auteur nous montre comment l’industriel s’appuie notamment sur le phénomène croissant des résistances aux antibiotiques pour légitimer ce « tournant respiratoire » dans la carrière commerciale de cet antibiotique.
Une biographie marchande

À la question structurante de ce livre : comment créer de la valeur d’usage, l’auteur répond par une description particulièrement fine des modes de production des argumentaires commerciaux et des relations de pouvoir à l’œuvre dans ce secteur saturé de conflit d’intérêts. (...)

L’ambition est bien celle d’une critique du capitalisme contemporain par l’analyse d’un de ses représentants les plus puissants et visibles dans l’espace public : l’industrie pharmaceutique. (...)

L’industrie pharmaceutique fait l’objet d’une attention accrue de la part des sciences sociales ces dernières années. L’ouvrage de Q. Ravelli est une contribution importante à la compréhension du système de commercialisation des médicaments et révèle, à sa mesure, les mutations majeures à l’œuvre au sein de ce secteur. En soulignant les risques inhérents à cette quête de parts de marché libérée de tout impératif de santé publique, Q. Ravelli rappelle fort justement aux lecteurs que les médicaments sont aussi des marchandises potentiellement « monstrueuses » vendues par des industriels.

La qualité ethnographique de ce travail permet d’approcher au plus près de la capacité d’influence des laboratoires pharmaceutiques, souvent dénoncée, mais rarement l’objet d’observations directes. (...)