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Mediapart
Le lanceur d’alerte d’Orpea dénonce cette fois un Ehpad public à la dérive
#EHPAD #maltraitances #lanceurdalerte
Article mis en ligne le 20 juin 2023

À force d’alertes sur des plaies et des chutes de résidents, l’agence régionale de santé d’Île-de-France a lancé une inspection de l’Ehpad de Bagnolet. Laurent Garcia, lanceur d’alerte du scandale Orpea, y a travaillé avant de jeter l’éponge. Récit de la dégringolade d’un établissement modèle.

Aux alentours de 8 heures, ce mardi 14 juin, c’est le branle-bas de combat à l’Ehpad des Quatre-Saisons de Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Dans les couloirs, le personnel soignant s’agite dans tous les sens. L’encadrement tente de passer des coups de fil en urgence : les infirmières vacataires ne sont pas arrivées, pas plus que les aides-soignantes, et les résident·es n’ont toujours pas reçu leurs médicaments.

Au rez-de-chaussée, deux fonctionnaires de l’agence régionale de santé (ARS) viennent d’arriver pour un contrôle inopiné de cet établissement municipal, cogéré par les mairies de Bagnolet et de Romainville, qui accueille 65 résident·es. Ils photographient tout ce qui leur passe sous la main. Durant deux jours, les agent·es de l’ARS ont entendu les salarié·es, la direction, les résident·es, les familles, participé et goûté aux repas. « J’avais comme l’impression d’une pieuvre qui étend ses tentacules », raconte un membre du personnel.

Le résultat du contrôle sera connu dans plusieurs semaines mais, en réponse à nos questions, l’ARS indique d’ores et déjà que « les premiers éléments de constats confirment bien le caractère préoccupant de la situation ». L’ARS explique aussi avoir décidé de mener cette « inspection-contrôle » inopinée de l’Ehpad, à la suite de plusieurs signalements reçus à partir du 5 mai 2023 par sa délégation départementale. (...)

 : « Hormis le manque de respect et la maltraitance du personnel que nous connaissions déjà, les faits concernant les résidents m’ont horrifiée. »

Si l’ARS a agi dans des délais relativement rapides, c’est au prix de très nombreuses alertes, notamment de la part de Laurent Garcia, l’ancien cadre de santé de l’Ehpad, en poste jusqu’à la fin de l’année 2022. « Il a fallu en envoyer, des mails », soupire celui qui est aussi une « personne qualifiée » de l’ARS Île-de-France, chargée de « signaler aux autorités les difficultés ou éventuelles situations de maltraitance ».

Ulcéré par la lenteur de l’agence, l’ancien cadre a menacé, dès la mi-mai, d’informer Mediapart. Ce qu’il a fait : notre enquête avait déjà commencé quand le contrôle inopiné a été déclenché. Laurent Garcia est donc pour la seconde fois un lanceur d’alerte sur la situation des Ehpad. Passé par le groupe d’Ehpad privé Orpea, il est à l’origine de l’enquête de Victor Castanet sur le groupe privé, relatée dans son livre Les Fossoyeurs. (...)

Les alertes qui lui remontent de l’Ehpad des Quatre-Saisons sont désespérantes pour le lanceur d’alerte : des économies sur la nourriture, l’hygiène, et surtout une dégradation de la qualité des soins aux résident·es. D’inquiétantes photos circulent entre personnels, anciens personnels et familles de résidents, de plaies des membres inférieurs. Elles sont fréquentes chez des personnes âgées trop affaiblies, qui n’ont plus de mobilité, et elles peuvent évoluer d’une manière dramatique, très rapidement. (...)

. Pour Laurent Garcia, « certaines photos, de la même plaie, montrent une évolution catastrophique, parce que le pansement n’a pas été changé » : « Je n’avais jamais vu des plaies d’une telle gravité dans cet Ehpad. » (...)

Un col du fémur cassé, après une chute, repéré cinq jours plus tard (...)

« Comment un Ehpad peut-il dégringoler aussi vite ? », s’interroge Laurent Garcia, l’ancien cadre de santé. Car ce petit Ehpad familial de 65 résident·es a été un modèle pendant la crise du Covid. La journaliste du Monde Florence Aubenas y a réalisé un reportage pendant le premier confinement en mars-avril 2020. L’Ehpad n’a connu ses premiers cas de Covid chez les résidents qu’en octobre 2020, et est parvenu à les contenir, au prix d’une mobilisation collective. (...)

« L’Ehpad se sert des stagiaires et des vacataires pour pallier le manque de personnel. Conséquence, il arrive que les pansements soient vite faits », déplore-t-elle. Georges l’interprète autrement : « Le personnel est démoralisé et fatigué et on le ressent directement. Fatalement, la personne soignante va agir moins bien… »
Des départs en cascade

L’Ehpad a été fragilisé fin 2022 par le départ de nombreux soignants : la médecin coordonnatrice, qui était en poste depuis treize ans, la psychologue, la psychomotricienne et le cadre de santé Laurent Garcia, dans un contexte de conflit avec la direction et le président du conseil d’administration, l’adjoint au maire de Bagnolet Vassindou Cissé.

La présidente du conseil de la vie sociale, Christine Lienard, perçoit aujourd’hui « deux clans à l’intérieur de l’Ehpad : l’un pour le président, l’autre contre, aux discours contraires. On ne sait plus à qui faire confiance ».

La direction de l’Ehpad décrit elle-même une ambiance délétère (...)