
L’approfondissement des politiques d’austérité va-t-il provoquer un krach sanitaire ? Au moment où l’OCDE estime qu’il serait possible de baisser, en France, les dépenses de santé à hauteur de 1,3 point de PIB sans nuire à la « qualité » des soins, une étude publiée dans la prestigieuse revue médicale The Lancet tire la sonnette d’alarme sur les effets sanitaires dramatiques de la remise en cause des systèmes publics de santé européens :
recrudescence des suicides, résurgence de fléaux infectieux que l’on pensait éradiqués (dengue, malaria, tuberculose) ou maîtrisés (VIH), explosion des inégalités d’accès aux soins, le bilan pourrait devenir catastrophique. Il l’est déjà en Grèce. Les spécialistes de santé publique dénoncent le silence des autorités sanitaires face aux tenants de l’« assainissement » des comptes publics à tout prix. La France ne semble pas faire exception.
Prenons l’exemple de l’accord national inter-entreprise (ANI), actuellement en débat au Parlement. Ses promoteurs mettent en avant la « grande avancée » que constituerait la généralisation de la complémentaire santé d’entreprise. Son extension à l’ensemble des citoyens promise par le président Hollande au dernier congrès de la Mutualité française signifierait en réalité une accélération de la privatisation rampante du système de santé, la Sécurité sociale se « recentrant » sur les plus pauvres et sur les coûts de santé les plus élevés.
Un tel « recentrage » est sous-tendu par un choix politique implicite : la France n’a plus les moyens, via les prélèvements obligatoires, de faire en sorte qu’en matière de soins, chacun paie selon ses moyens et reçoive selon ses besoins. Et elle en a d’autant moins les moyens que le gouvernement n’ose pas affronter les différents lobbies de la santé à l’origine de gaspillages importants.
Reste la solution d’un transfert de prise en charge vers les assurances privées (mutuelles, instituts de prévoyance et assureurs à but lucratif). Or tout euro transféré de la Sécurité sociale vers les complémentaires santé est un euro inégalitaire, et ce pour au moins trois raisons. (...)