
10 jours après le tremblement de terre au Japon, l’inquiétude règne encore concernant la centrale de Fukushima de laquelle s’échappent désormais des fumées dont on ignore l’origine. Alors que des employés ont reçu un ordre d’évacuation, l’agence japonaise de sûreté nucléaire assure, elle, que les niveaux de radioactivité n’ont quasiment pas changé après l’apparition de ces fumées. Une attitude de déni que dénonce Roland Desbordes, le président de la Criirad*.
Tout l’environnement de la centrale est désormais très contaminé et les possibilités d’intervention du personnel très limitées. Ils tournent visiblement beaucoup pour se répartir la dose mais à 400 msv par heure, il est clair que le débit est très important. Cependant nous ne savons pas combien de temps ils restent dans la zone. Il est possible qu’ils se sacrifient, comme les liquidateurs à Tchernobyl. Ce que l’on nous a dit, c’est qu’il s’agit en grande partie d’anciens de Tepco, qui voyant le désastre auraient remplacé les plus jeunes ingénieurs sur place. Même si l’on arrive à faire redémarrer les pompes j’ai bien peur que cela ne serve pas à grand-chose, car un cœur fondu ne peut pas se refroidir.(...)
Dans la province de Fukushima, où l’on est censé avoir fait évacuer les gens, nous n’avons pas de chiffres mais nous savons que la contamination est déjà importante. En revanche, à 100 kms, nous avons des chiffres concernant la province d’Ibaraki, qui se situe entre Fukushima et Tokyo. Nous avons des données montrant que les produits frais sont largement au dessus des limites autorisées pour la commercialisation.(...)
Le gouvernement japonais est effectivement dans le déni depuis le départ. Par contre, nous avons découvert qu’au niveau local des initiatives se mettaient en place : des scientifiques d’un laboratoire municipal de Tokyo par exemple nous donnent des chiffres vérifiables que l’on a mis sur internet.(...)
Le gouvernement japonais nous cache depuis le départ les informations que l’on demande sur la contamination de l’air. Par ailleurs, nous savons depuis longtemps que les exploitants, souvent avec la complicité des autorités, ont dissimulé de nombreux incidents et des éléments clés dans la sécurité nucléaire.(...)
Au niveau français, il y a aussi des problèmes. La semaine dernière, l’IRSN, qui est quand même l’expert officiel de l’Etat- mais aussi des exploitants nucléaires à l’occasion- et qui devrait décider des mesures en cas d’accident nucléaire en France, estimait également qu’il était à peine nécessaire d’avoir évacué la zone de 20 kms autour de Fukushima et qu’au-delà il n’y avait aucun problème. On peut donc craindre qu’en cas d’accident en France, il fasse de même. Cependant, je ne mets pas toutes les autorités françaises dans le même sac : l’ASN, avec laquelle la Criirad s’est de nombreuses fois accroché, a eu depuis le début un discourt très correct, sans chercher systématiquement à rassurer et à minimiser les problèmes. C’est eux par exemple qui ont osé dire que l’accident classé au départ en niveau 4 était sans doute plus important.(...)
Nous avons des contacts avec des scientifiques sur place, qui travaillent dans des laboratoires indépendants de l’Etat et des exploitants, notamment avec le Tokyo Metropolitan Industrial Technology Research Institute. Plusieurs laboratoires ou autorités dans le monde ont des données sur la radioactivité, mais peu les diffusent. Ce n’est pas normal. Nous attendons maintenant des échantillons en provenance du Japon que veulent nous envoyer des journalistes, des citoyens ou des scientifiques pour les analyser en toute indépendance.
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