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Reporterre
Le gouvernement écarte le scénario d’une sortie rapide du nucléaire
Article mis en ligne le 17 janvier 2018

La Direction de l’énergie, administration du ministère de la Transition écologique, a demandé à RTE d’écarter délibérément les scénarios d’une sortie rapide du nucléaire. C’est ce que révèle Reporterre.

(...) Mardi 16 janvier, alors qu’entre soixante et soixante-dix personnes étaient réunies pour travailler sur le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), ce document stratégique censé mettre en œuvre entre 2023 et 2028 les objectifs de la loi sur la transition énergétique (LTE), la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) a demandé à Réseau de transport d’électricité (RTE) de ne présenter que deux de ses scénarios de mix énergétique à 2035 – ceux, intitulés Ampère et Volt, qui maintiennent la part du nucléaire à son niveau le plus élevé. Et de passer sous silence les deux autres, Watt et Hertz, qui prévoient la fermeture de nombreux réacteurs. Ceci, sans que cette décision ait été soumise aux participants du groupe de travail et discutée avec eux.(...)

Plusieurs participants de l’atelier sur la PPE se sont indignés de cette présentation qu’ils jugent biaisée. Surtout que, selon eux, certaines hypothèses sur lesquelles RTE a bâti ses scénarios sont aberrantes. Pour Marc Jedliczka, porte-parole de l’association NégaWatt, le gestionnaire des réseaux — RTE — sous-estime le potentiel en économies d’énergie et en baisse de la consommation d’électricité. « RTE a travaillé sur une variante basse de la consommation d’électricité. Cela signifie qu’il nous en reste sous le pied même si cette variable n’a pas été utilisée dans les scénarios, souligne-t-il. En revanche, il table sur 15,6 millions de voitures électriques en 2035. C’est irréaliste ! Pour y arriver, il faudrait que dès aujourd’hui la moitié des voitures vendues soient électriques. Or, elles ne représentent actuellement que 1,2 % des ventes. Mais cette hypothèse a des conséquences fortes sur le scénario Ampère notamment, puisque la consommation électrique y est en baisse jusqu’à 2025 pour ensuite augmenter à nouveau jusqu’à son niveau actuel, à cause des véhicules électriques. »

Une explosion irréaliste des exportations d’électricité (...)

Autre bizarrerie, les deux scénarios présentés par RTE tablent sur une multiplication par 2,5 des exportations d’électricité vers les pays voisins, jusqu’à des niveaux compris entre 134 à 159 térawattheures. (...) "cela suppose que nous produirons de l’énergie moins chère que celle de nos voisins et que ces derniers auront envie de nous l’acheter », pointe M. Jedliczka. Or rien n’est moins sûr, alerte Yves Marignac, directeur de Wise-Paris et membre de l’association NégaWatt : « Cette hausse de notre solde exportateur n’est pas compatible avec les objectifs et les stratégies affichés par nos voisins. Aucun d’entre eux ne se projette dans un scénario où il dépend du bon fonctionnement du parc français pour son approvisionnement électrique ! Ce n’est pas pertinent politiquement. »

Ce spécialiste du nucléaire flaire un scénario-piège. « Plutôt que d’attaquer les stratégies de remplacement du nucléaire par les énergies renouvelables, le lobby de l’atome propose une stratégie d’addition des deux. L’idée est que cela contenterait tout le monde et qu’on n’aurait qu’à exporter le surplus de l’électricité ainsi produite, analyse-t-il. Mais si les prévisions en exportations ne se réalisent pas et que les moyens manquent pour investir dans les deux secteurs, la priorité sera forcément donnée au prolongement du parc nucléaire au détriment des énergies renouvelables. » (...)

Enfin, le porte-parole de Négawatt attire l’attention sur une « curiosité » : « Comme par hasard, la quantité d’électricité issue des énergies renouvelables en 2035 correspond exactement au volume des exportations. Comme si l’on ne déployait les énergies renouvelables que pour les exporter ! »

Climat et sortie du nucléaire sont compatibles, selon le scénario NégaWatt (...)

Que va-t-il se passer désormais ? « La DGEC a la main pour produire un projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui sera mis en discussion à un moment ou à un autre. Mais ce texte ne sera sans doute pas prêt pour le débat public qui doit commencer le mois prochain et risque de se dérouler sans document de référence », regrette M. Marignac. M. Jedliczka se veut optimiste : « RTE va publier dans les prochaines heures un rapport détaillant ses hypothèses et ses calculs. Cela va nous donner de la matière pour continuer à travailler. » Pour essayer de rectifier le tir avant la publication du décret final de la PPE, prévue en janvier 2019 au plus tard.