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Le Monde
Le douloureux sauvetage des enfants juifs du camp de Vénissieux
Article mis en ligne le 29 août 2020

Le 26 août 1942, dans la région de Lyon, 1 016 juifs, dont 108 enfants, sont raflés et internés. En quelques jours, une poignée d’opposants au régime de Vichy s’organise pour empêcher la déportation d’un maximum de personnes. Grâce à l’historienne Valérie ­Portheret, ce mouvement de résistance et de solidarité est aujourd’hui mis en lumière.

C’est l’histoire d’une page d’histoire. De celles que vous ouvrez par hasard et qui vous happent, par tout ce qu’elles contiennent de l’âme humaine, du plus clair au plus trouble. De celles qui passionnent et – très vite – obsèdent, entre leçon de morale et parfait thriller.

La chose est arrivée à Valérie Portheret. En 1992, elle découvre un simple passage de la seconde guerre mondiale, un alinéa oublié dans le monceau d’atrocités et d’héroïsme que fut cette période : le sauvetage, du 26 au 30 août 1942, à Vénissieux (Rhône), de 108 enfants juifs raflés sur ordre de Vichy.(...)

En 1987, à Lyon, le procès de Klaus Barbie, condamné à perpétuité pour la déportation d’enfants juifs à Izieu (Ain) en avril 1944, a marqué les esprits et réveillé les mémoires endolories. L’université Lyon-III, où est inscrite la jeune femme, est devenue un fief du négationnisme, ce qui ne manque pas de l’irriter.
Fragment d’une plus vaste opération

« La question du sort des enfants m’a toujours intéressée », se souvient Valérie Portheret. Avec cette vague piste, elle visite un vendredi le Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation, entend parler d’écoliers juifs cachés pendant la guerre dans un château de la Drôme, à Peyrins. Elle s’y rend le samedi et découvre qu’il ne s’agit là que d’un fragment d’une plus vaste opération. Elle rencontre le lundi un vieux résistant qui se souvient confusément.

Elle constate que « le travail historique n’est pas fait » sur cet épisode. Elle se lance. « J’ai alors été mise sur la route de ce qui allait devenir mon projet de vie. » Cette quête va mobiliser vingt-huit années de son existence, aboutir à une thèse de 1 300 pages et aujourd’hui à un livre condensé qui en compte 234, Vous n’aurez pas les enfants (XO « Document », paru en février).

La rafle de Vénissieux est largement effacée des mémoires lyonnaises mais aussi de la géographie locale. Le pèlerinage sur les lieux du drame est décevant. Dans une avenue de banlieue impersonnelle, des plaques à moitié mangées par une vigne sauvage rappellent le drame, entre un bâtiment de Pôle emploi et un commerce de tacos et de burgers.

Abominable tromperie

Il faut toute la passion de Valérie Portheret, cette manière d’effacer le présent et de vivre à soixante-dix-huit ans de distance, pour s’imaginer le camp militaire aux hauts murs où furent emprisonnés 1 016 juifs non français dans l’attente de leur déportation. Il faut aussi l’appui de photos d’époque, au format minuscule et au bord dentelé, dont le noir et blanc s’est usé pour devenir gris et crème. Elles ont été exhumées fin 2018 par l’historienne. (...)