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Le couvercle de l’EPR est autorisé pour sept ans, malgré ses défauts de sûreté
Article mis en ligne le 29 juin 2017

L’Autorité de sûreté nucléaire a rendu son avis concernant la cuve et le couvercle de l’EPR de Flamanville. Si elle permet la mise en service du réacteur avec ces pièces maîtresses à l’acier défectueux, elle impose à EDF le remplacement du couvercle avant 2024 et des contrôles réguliers sur le fond de cuve.

Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN, a expliqué cette position à l’occasion d’une conférence de presse tenue mercredi après-midi au siège de l’Autorité, à Montrouge (Hauts-de-Seine). « Pour que le fond de cuve et le couvercle puissent fonctionner de manière pérenne, c’est-à-dire soixante ans conformément à la durée de vie programmée pour l’EPR, il faudra des contrôles réguliers ». Pour le fond de cuve, qui est lisse et accessible, des protocoles de contrôle existent déjà. Les contrôles devront être réalisés à l’occasion de chaque visite décennale, ce qui n’est pas le cas pour le parc en activité. Le couvercle pose un problème plus complexe : il est traversé de multiples tubulures et, nouveauté apparue avec l’EPR, il supporte toute l’instrumentation nécessaire à la surveillance du bon déroulement de la réaction nucléaire (les appareils étaient situés au niveau du fond de cuve pour les réacteurs des précédentes générations). Résultat, seul 1 % de la surface du couvercle est accessible pour des contrôles, ce qui est nettement insuffisant. « Aucune méthode de test n’existe pour cette partie de la cuve et la faisabilité technique de ces contrôles n’est pas acquise à ce jour », précise Pierre-Franck Chevet. C’est cette incertitude technique qui a poussé l’ASN à réclamer le remplacement du couvercle de la cuve, « qui, sans contrôles réguliers, ne saurait être utilisé plus de quelques années ». Pourquoi en 2024 ? « Parce que ces sept années sont plus ou moins le délai nécessaire pour le forgeage d’une nouvelle pièce », a indiqué le président de l’ASN. (...)

Cette déclaration d’aptitude au service n’a pas été du goût de tout le monde. Yves Marignac, directeur de l’agence indépendante sur le nucléaire et l’énergie Wise Paris, et Jean-Claude Autret, président de l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (Acro), sont tous deux membres du GPESPN. Fait rarissime dans ce groupe où l’avis final est généralement unanime, ils ont cosigné un avis minoritaire. « Nous insistons sur le fait que nous avons perdu des marges, que dans ces conditions la défense en profondeur est altérée et que les contrôles en service n’y remédient pas, alerte Yves Marignac. Nous avons donc demandé à ce que priorité soit donnée au remplacement de la cuve et du couvercle de l’EPR avant sa mise en service. » Pour lui, le message envoyé à EDF est terrible : « On est dans un processus où on récompense le fait que le fabricant et l’exploitant ont complètement sous-estimé le problème au départ et qu’ils ont traité cette situation par le fait accompli ! »

« Les intérêts économiques de court terme passent avant la protection des populations ! » (...)

D’autres se sont insurgés de cette décision de l’ASN. « C’est complètement irresponsable, dénonce Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace. Cela signifie que pendant six ans [étant donné qu’EDF prévoit la mise en service de l’EPR fin 2018, NDLR] l’EPR fonctionnerait avec un couvercle défectueux et non contrôlé. L’ASN s’est couchée devant la pression des industriels EDF et AREVA et a fait prévaloir leurs intérêts économiques. (...)

Prochaine étape, la rédaction de l’avis de l’ASN. « Comme toute grande décision de l’ASN, elle fera l’objet d’une consultation du public de la semaine prochaine jusqu’à septembre 2017, annonce Pierre-Franck Chevet. Nous rendrons notre avis final en octobre 2017. »