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Rue 89
Le Qatar, soutien des jihadistes du Nord-Mali ? Cinq choses à savoir
Article mis en ligne le 19 janvier 2013

Les accusations se multiplient autour du potentiel soutien du Qatar aux groupes jihadistes du Nord-Mali. Après les révélations du Canard enchaîné, c’est au tour de la sénatrice communiste Michelle Demessine, rejointe par Marine Le Pen, d’incriminer Doha.

 Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas trace d’une présence de forces spéciales qataries dans la zone. Confirmée par une enquête de la DGSE du mois de novembre, cette absence d’éléments militaires qataris se comprend aisément au regard de la relation nouée entre la France et le Qatar depuis plusieurs années.

Faisant de Paris un élément clé de son dispositif diplomatique, l’intérêt stratégique de Doha de prêter main forte à des groupuscules radicaux qui mettent en péril la zone traditionnelle d’influence de la France en Afrique n’est pas du tout évident.

En outre, si le Qatar est accusé d’avoir récupéré le Printemps arabe en soutenant massivement les formations islamistes victorieuses des urnes, ce soutien reste cantonné aux tenants de l’islam proche des Frères musulmans.

Or, la vision de l’islam défendue par Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) et ses affidés est celle d’un islam de type « salafi-jihadiste » qui n’a pas grand-chose à voir avec la tendance promue à Doha. (...)

-Les puissantes ONG de l’émirat dans le Sahel

Si la non-présence d’agents officiels qataris dans la région est avérée, il n’en est pas de même pour les institutions privées de type caritatif. L’émirat compte en effet de puissantes ONG richement dotées dont le périmètre d’intervention couvre plusieurs continents.

Dominées par les courants salafis littéralistes, ces associations n’hésitent pas à intervenir au cœur des lignes de fracture du monde musulman. (...)

Dans un pays considéré par le magazine Forbes comme étant le plus riche de la planète en PNB/habitant, la simple récolte de la zakat (troisième pilier de l’islam) peut dégager des dizaines de millions de dollars. Même si la majorité des donations fait l’objet d’une surveillance étroite de diverses instances gouvernementales (et américaines), il se peut qu’une partie d’entre elles aient pu passer les mailles du filet.

 Un détournement des fonds qataris ?

La véritable question qui se pose est celle de l’éventuelle déplacement de cette aide financière, initialement destinée aux camps de réfugies, vers les rebelles armés. Le Canard enchaîné croit savoir, sur la base de fuites des renseignements militaires français, qu’une partie de ces fonds ont été affectés aux insurgés d’Ansar Dine ou du Mujao. (...)

Quoi qu’il en soit, cette manne ne pourrait être la seule variable expliquant les ressources financières des groupes armés. Les prises d’otages, les rançons, les trafics d’armes et de drogue, conjugués au chaos qui s’est installé dans la région après la chute de Kadhafi, sont autant d’éléments à prendre en compte.

 Les limites de la lune de miel entre Paris et Doha

Cette affaire met en relief les limites de la lune de miel entre Paris et Doha. Contrairement à l’intervention en Lybie, le Qatar n’a pas soutenu l’opération Serval et s’est montré critique face à l’emploi de la force.

Cette réserve n’est pas le seul fait de l’émirat. D’autres pays tels que la Tunisie ou l’Egypte ont tenu à prendre leurs distances.
(...)

 Le Qatar fait les frais de sa réputation sulfureuse

Ce que révèle ces soupçons autour du Qatar n’est finalement peut-être qu’un début de retour de bâton. A force d’investissements tapageurs et d’acquisitions tous azimuts, le pays s’est forgé cette image d’Etat à l’interventionnisme débridé. Hier médiateur apprécié des conflits – qui a permis des sorties de crises retentissantes comme au Liban en 2008 – l’arc diplomatique qatari prend désormais parfois des allures de prédation.

Cette nouvelle tournure est de plus en plus décriée dans une partie de la presse arabe, notamment au Maghreb. Sur le dossier du Mali, le Qatar fait un peu les frais de cette réputation sulfureuse dont il est en partie responsable. Même sans preuves indiscutables, le doute plane du fait d’une stratégie d’influence mondiale qui ne néglige aucun domaine d’intervention. (...)