
En pleine Coupe du monde au Qatar, des perquisitions ont eu lieu en Belgique. La justice soupçonne l’émirat d’avoir corrompu des membres du Parlement européen, dont sa vice-présidente Eva Kaili, et un dirigeant syndical, afin d’atténuer les critiques sur les violations des droits humains.
nMondial 2022 de football, les morts de travailleurs migrants et les soupçons de piratage de personnalités, le richissime émirat gazier est désormais soupçonné par la justice belge d’avoir corrompu des élus du Parlement européen et d’autres personnalités actives à Bruxelles afin d’améliorer son image, comme l’ont révélé les journaux belges Le Soir et Knack.
L’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) a mené vendredi, en pleine Coupe du monde de football au Qatar, au moins 17 perquisitions à Bruxelles et dans ses environs, et a interpellé quatre personnes afin de les interroger. L’enquête judiciaire, lancée il y a quatre mois dans le plus grand secret par le Parquet fédéral belge, est menée par le juge d’instruction Michel Claise, spécialiste des dossiers financiers sensibles. (...)
La suspecte la plus en vue est l’une des vice-présidentes du Parlement européen et membre du groupe politique social-démocrate S&D.. Son compagnon, qui fut son assistant parlementaire et travaille actuellement pour le groupe S&D, a lui aussi été interpellé. (...)
Le domicile d’Eva Kaili, ancienne présentatrice de télévision grecque élue eurodéputée en 2014, a été perquisitionné. Son parti grec (le Pasok) puis le groupe S&D du Parlement européen ont annoncé vendredi en fin de journée l’avoir suspendue « avec effet immédiat ».
Lors d’un débat du Parlement européen le 9 décembre à Strasbourg, Eva Kaili s’était distinguée par ses propos très louangeurs à l’égard du Qatar : « La Coupe du monde au Qatar est la preuve, en fait, de la façon dont la diplomatie sportive peut réaliser une transformation historique d’un pays avec des réformes qui ont inspiré le monde arabe. »
Parmi les suspect·es figurent aussi l’ancien eurodéputé italien S&D Pier-Antonio Panzeri ainsi que Luca Visentini, qui a avait élu le mois dernier secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats (CSI), une confédération de syndicats du monde entier, qui représente plus de 200 millions de travailleurs et travailleuses.
Et ce n’est probablement que le début du scandale. Les policiers ont en effet perquisitionné les bureaux de plusieurs assistants parlementaires d’autres eurodéputé·es et ont saisi des téléphones et des données informatiques qui doivent maintenant être exploitées.
Les personnes interrogées depuis vendredi par les policiers sont suspectées d’avoir bénéficié de faveurs et touché des pots-de-vin du Qatar. Les perquisitions ont permis aux enquêteurs de découvrir près de 600 000 euros en liquide dans la résidence bruxelloise de l’ancien eurodéputé Pier-Antonio Panzeri. Deux membres de sa famille proche ont été interpellés en Italie.
L’objectif de cette opération de corruption présumée visait à influencer les prises de position du Parlement européen et de la CSI afin de faire taire les critiques sur le Qatar avant et pendant la Coupe du monde, notamment au sujet de la corruption mais aussi à propos des violations des droits humains, notamment ceux des personnes LGBTQ+ et des deux millions de travailleurs migrants qui ont bâti les stades et les infrastructures de l’émirat.
Des positions pro-Qatar lors d’un débat au Parlement
Comme l’a souligné Le Monde, des parlementaires se sont étonnés des positions très pro-Qatar défendues par certains eurodéputé·es le 24 novembre, lors du débat et du vote d’une résolution du Parlement au sujet du Qatar à l’occasion du Mondial de football. (...)
« La plupart des suspects sont liés au groupe Socialistes et démocrates (S&D), notre groupe au Parlement européen. Mon principe est clair : la vérité et la justice doivent primer sur les solidarités de parti. Et il va falloir vite nettoyer les écuries d’Augias ! », a-t-il ajouté.
Le groupe S&D a réagi vendredi en exprimant sa « consternation » et sa « tolérance zéro » à l’égard de la corruption (...)
Les eurodéputé·es Verts et socio-démocrates s’opposeront notamment lundi au démarrage de négociations sur une libéralisation des visas pour les Qataris dans l’Union européenne. (...)
L’ancien eurodéputé Pier-Antonio Panzeri, chez qui les policiers ont trouvé des centaines de milliers d’euros en liquide, a siégé de 2004 à 2019. Il était reconnu comme un spécialiste des droits humains et des pays arabes : il a été membre de la commission des affaires étrangères et a présidé la sous-commission des droits de l’homme. En avril 2019, il déclarait à Doha que le Qatar pouvait désormais être considéré comme « une référence en matière de droits humains ».
En ce qui concerne l’Italien Luca Visentini, ancien secrétaire de la Confédération européenne des syndicats (CSE) devenu en novembre dernier le patron de la Confédération syndicale internationale (CSI), le Qatar aurait cherché à adoucir la position de ces organisations concernant les conditions de travail terribles des travailleurs migrants.
Selon le journal suisse Swissinfo, la CSI posait un « problème pour le Qatar », notamment parce qu’elle avait posé à plusieurs reprises des questions sur la Coupe du monde. Fin octobre, Luca Visentini avait rencontré le ministre qatari du travail, Ali Al Marri. Vendredi, en fin de journée, la CSI a publié un communiqué laconique pour indiquer qu’elle se refuse à tout commentaire.