
Avec la dégradation de la situation économique au Liban, des dizaines d’employées de maison éthiopiennes ont été renvoyées sans ménagement par leurs patrons et abandonnées devant le consulat éthiopien à Beyrouth. (...)
"La scène se reproduit tous les jours", se désole Diala Haidar, chargée de campagne d’Amnesty international au Liban. Des voitures s’arrêtent et déversent devant l’ambassade d’Éthiopie à Beyrouth les employées de maison dont les familles libanaises veulent se débarrasser en raison de la crise économique qui touche le pays.
Depuis plusieurs semaines, le trottoir qui fait face à l’ambassade ne désemplit pas, matelas et valises entassés à même le sol. Ces migrantes éthiopiennes n’ont nulle part où aller, et pas suffisamment d’argent pour se loger. "Le billet retour vers l’Éthiopie est trop cher pour elles, et la situation est rendue encore plus difficile avec le coronavirus, car l’aéroport est fermé", explique Diala Haidar, jointe à Beyrouth par France 24.
Ces employées de maison à la rue espèrent que les autorités de leurs pays puissent leur venir en aide. Mais bien souvent, l’ambassade d’Éthiopie ne fait rien. (...)
Certaines ont subi des violences physiques ou sexuelles
Début juin une trentaine d’entre elles ont été logées provisoirement par les autorités libanaises dans un hôtel. "À ma connaissance aucune autre opération n’a été menée depuis", indique Diala Haidar. "Les seules personnes qui aident ces femmes sont les ONG, la communauté éthiopienne de Beyrouth, qui leur apporte de la nourriture, et des Libanais émus par leur sort, qui paient des nuits d’hôtel". Amnesty international appelle l’État libanais à réagir en fournissant "un logement, de la nourriture, des soins de santé et toute aide nécessaire aux employées de maisons migrantes qui ont perdu leur emploi".
Le Liban est fréquemment accusé de laxisme face à l’exploitation des domestiques étrangères, dénoncée de longue date par les associations de défense des droits humains. Elles demandent notamment la suppression du système de la "kafala". Il permet à un employeur de devenir le parrain légal de son employé au Liban et ce dernier ne peut démissionner sans son autorisation. Rien n’empêche par ailleurs l’employeur de confisquer son passeport, le laissant entièrement à sa merci.
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Objet de sévères critiques, la kafala ouvre la porte à d’autres graves abus. D’après Médecins sans Frontières, six des employées éthiopiennes qui se trouvaient devant le consulat ces dernières semaines ont dû être hospitalisées pour des problèmes psychiatriques, certaines ayant subi des violences physiques ou sexuelles.
Un "Black Lives Matter" à la libanaise
Les autorités libanaises ont récemment durci le ton, menaçant de sanctions les employeurs qui ne respectent pas le contrat signé avec leurs employées, en confisquant leur passeport ou en ne leur versant pas de salaire.
Mais pour Diala Haidar, "ça n’est pas suffisant s’il n’y a pas de mécanismes d’inspection". "Le Liban doit supprimer la kafala et intégrer les travailleurs immigrés au droit du travail", estime-t-elle.
Avec la mondialisation du mouvement "Black Lives Matter", les appels à mettre fin à la kafala se sont multipliés dans le pays. Une pétition en ligne pour réclamer l’abolition de ce régime, qualifié par ses auteurs de "néo-esclavagisme", a déjà récolté plus de 30 000 signatures.
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"La Ministre a exprimé son intention de présenter un projet de modification du droit du travail, afin d’y inclure les employées de maison étrangères", indique Diala Haidar, pour qui il faut maintenant des mesures concrètes. (...)
Deux suicides par semaine (...)