L’impensable est arrivé. La crise des déchets, qui a éclaté le 17 juillet suite à la fermeture de la décharge de Naamé, a duré assez longtemps pour survivre aux premières pluies. Résultat : des scènes cauchemardesques, hier, d’ordures flottant dans des rues transformées en cours d’eau, d’une montagne de sacs poubelles effondrée sur les rives du fleuve de Beyrouth, de canaux obstrués... Au-delà des images spectaculaires, à l’instar de cette vidéo de déchets flottants qui a circulé sur les réseaux sociaux et les téléphones portables, c’est l’ampleur de la pollution qui effraie : quel impact à long terme sur les nappes phréatiques, le sol, l’air, la santé humaine ?
Alors que le problème écologique s’accentue en ce début d’hiver, du côté des responsables, on constate une tiédeur sans appel. Le plan national de sortie de crise préparé par la commission d’experts présidée par le ministre de l’Agriculture Akram Chehayeb n’a toujours pas été appliqué. Des tractations politiques, notamment sur le choix d’un site de décharge dans la Békaa, retarderaient la mise en place d’une solution temporaire. Les échecs se suivent et se ressemblent alors que personne n’en assume la paternité. Les accusations fusent en l’absence de toute action concrète sur le terrain... Le pire, c’est qu’il semble impossible de voir le bout du tunnel.
Interrogé par L’Orient-Le Jour sur les ravages constatés hier dans la rue, M. Chehayeb a estimé que « ceci est le résultat de la non-application du plan, c’était prévisible ». Il pointe du doigt « le manque de sérieux de certaines parties politiques, les campagnes de dénigrement menées par certaines franges du mouvement civil et la contestation de certains écologistes ».
Rappelons que les détracteurs du plan lui reprochent, entre autres, de ne concevoir que la solution des décharges centralisées, de choisir des sites inaptes à les accueillir (situés dans des régions au sol poreux et riches en eau, par exemple), de ne pas prendre en compte le développement de pratiques telles que le tri à la source...
Une alternative au coût exorbitant
Le ministre affirme qu’il se donne jusqu’à jeudi pour tout révéler au public sur les obstacles à son plan, et refuse de se prononcer, malgré l’insistance des questions. « Je me suis donné un délai qui expire jeudi, je n’ai rien d’autre à dire d’ici là », affirme-t-il. (...)
Appel à manifester jeudi
Pour sa part, face au désastre d’hier, la société civile, notamment le mouvement civil, n’a pas tardé à se faire entendre. Des militants se sont rassemblés hier vers 17h à la place Riad Solh pour crier leur désarroi face à cette catastrophe écologique plus qu’annoncée. Les militants portaient des banderoles dénonçant le degré de pourrissement de la situation actuelle dans le pays. Ils font assumer la responsabilité du désastre au gouvernement et accusent l’ensemble de la classe politique d’être derrière « la corruption à la source de cette catastrophe écologique et sanitaire ».
Le militant Ayman Mroué a prononcé le mot du mouvement civil, appelant la classe politique, qu’il accuse d’avoir « échoué », à « partir ». Il a appelé « le peuple libanais à redescendre dans la rue ».
Les manifestants se sont ensuite rendus au domicile du Premier ministre Tammam Salam à Mousseitbé, où ils ont scandé des slogans hostiles à la gestion des déchets par le gouvernement. Ils ont terminé leur sit-in en appelant à un rassemblement jeudi, assurant que les détails seront annoncés ultérieurement.
Le matin, le collectif « Vous puez ! » a organisé une campagne de nettoyage du lit du fleuve de Beyrouth, aux abords duquel des tonnes de déchets se sont amoncelées. Les fortes pluies avaient causé la chute d’un grand volume d’ordures dans le fleuve. Les militants, portant masques et gants, ont tenté autant que possible de trier les matières recyclables et d’emballer les déchets dans des sacs, sachant que la tâche est énorme...
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