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le Monde Diplomatique
Le Japon nucléaire ou l’hubris puni
Article mis en ligne le 6 avril 2011
dernière modification le 3 avril 2011

Mars 2011 devrait marquer dans l’histoire japonaise une rupture comparable à celle d’août 1945, signant la mort d’un modèle particulier d’organisation de l’Etat et de l’économie, En août 1945, les champignons atomiques qui avaient éclaté dans le ciel de Hiroshima et de Nagasaki avaient sonné le glas de la guerre dans laquelle les jeunes officiers de l’armée du Kwantung avaient entraîné le Japon quinze ans auparavant. De la même manière, la crainte d’une nouvelle apocalypse nucléaire née du chaos engendré par le tremblement de terre et le tsunami du 11 mars 2011 devrait marquer une rupture avec les choix opérés année après année par l’oligarchie aux affaires depuis l’immédiat après-guerre et dont l’Etat nucléaire est l’œuvre.

A la différence du désastre de 1945, aux causes purement humaines, celui de 2011 a pour origine des phénomènes naturels mais largement aggravés par les décisions des hommes. Les deux catastrophes ont néanmoins ceci en commun qu’elles auront ébranlé le monde. (...)

La catastrophe de Fukushima fait éclater au grand jour les manipulations de tous ordres rendues nécessaires par la mise en œuvre d’un tel programme : campagnes publicitaires répétées, dissimulation, mensonge, en particulier en cas d’incident, ou encore désinformation quant aux risques encourus et au niveau de sécurité des systèmes de protection entourant les installations. (...)

Alors qu’aucune voie de sortie de la crise actuelle ne semble se dessiner, il apparaît d’ores et déjà que la démocratie japonaise devra repenser le cadre qui a permis à ses dirigeants d’écraser toute opposition pour conduire le pays au point de rupture où il se trouve. (...)

Le temps semble venu pour les citoyens de se frayer un chemin pour reprendre le contrôle de monopoles aux mains d’une classe dirigeante composée de hauts fonctionnaires et d’acteurs politiques ou économiques dont le bilan s’avère calamiteux, pour inventer un mode de gestion des affaires publiques durable et responsable. (...)

Qu’un pays martyr du nucléaire ait embrassé avec une ferveur frôlant parfois l’obsession cette source d’énergie constitue un réel paradoxe.
Il est le seul pays non nucléaire militairement à être engagé dans le développement d’usines d’enrichissement et de retraitement d’uranium, ainsi que dans le projet du surgénérateur. Ses dirigeants ont fait le choix de considérer le plus dangereux minerai connu de l’humanité comme une solution magique pour assurer la sécurité énergétique du pays. (...)

Il est le seul pays non nucléaire militairement à être engagé dans le développement d’usines d’enrichissement et de retraitement d’uranium, ainsi que dans le projet du surgénérateur. Ses dirigeants ont fait le choix de considérer le plus dangereux minerai connu de l’humanité comme une solution magique pour assurer la sécurité énergétique du pays. (...)

Le rêve d’une énergie éternelle et infinie a inspiré des générations de bureaucrates japonais. (...)

Jusqu’au 11 mars 2011, le Japon comptait cinquante-quatre réacteurs en activité. Et le choix de stocker des déchets très puissamment toxiques d’une durée de vie aussi longue dans des piscines situées à côté des réacteurs s’est révélé être une erreur fatale (...)

Selon Robert Alvarez (2), les piscines de décontamination présenteraient une radioactivité de cinq à dix fois supérieure à celle relevée au cœur du réacteur. « Un seul de ces bassins, affirme-t-il, contient une concentration de césium 137 supérieure à celle libérée par l’ensemble des essais nucléaires conduits dans l’hémisphère Nord. » Et de poursuivre : « Les émanations de césium 137 consécutives à un incendie rendraient une région plus vaste que celle de Tchernobyl inhabitable. » Dislocation survenue sous le coup de l’impact du séisme ou fuites dues à l’effondrement de la structure ? (...)

Une fois la crise passée, ces usines devront être décontaminées puis démantelées. Un chantier qui s’annonce d’ores et déjà difficile et coûteux. Le processus devrait en outre s’étaler sur plusieurs années, au moins une décennie. Dans le même temps il faudra trouver un moyen de compenser le manque à gagner en termes de production d’électricité. (...)

Le Japon est aujourd’hui la victime des erreurs d’appréciation désastreuses et des pratiques frauduleuses qui ont émaillé son histoire depuis un demi-siècle. (...)

Voir l’un des pays les plus avancés du point de vue scientifique comme du point de vue technologique en être réduit à tenter de stopper un processus de fusion nucléaire par des moyens aussi dérisoires que des lances à eau et des seaux, conduit le peuple japonais, et avec lui les peuples du monde entier, à s’interroger. (...)

Dans l’épreuve de force qui oppose une bureaucratie fermement attachée à un Japon nucléaire et une société civile impatiente de voir émerger une nouvelle donne sociale, économique et écologique, il y aura eu un avant et un après 11-Mars.

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