
En 2003, Areva aurait pu acquérir l’usine de pièces nucléaires du Creusot pour une bouchée de pain. Il a préféré l’abandonner à Michel-Yves Bolloré, et lui racheter trois ans plus tard pour 170 millions d’euros. Au coeur de la tractation, une usine d’où sont sorties des pièces défectueuses de l’EPR de Flamanville...
(...) Grand bénéficiaire de ce pactole, Michel-Yves Bolloré, frère aîné de Vincent et propriétaire de l’UIGM depuis 2003 : en revendant l’affaire à Areva, il a empoché plus de quinze fois sa mise de départ.
Comment le groupe nucléaire a-t-il pu se lancer dans une opération aussi ruineuse ?
Reprenons cette intrigante histoire, qui retentit aujourd’hui avec les défauts de fabrication des pièces du réacteur EPR. En 1999, Framatome, qui allait se fondre dans Areva en 2001, possède au Creusot une activité d’usinage, dont il cherche à se débarrasser. C’est dans cette usine que se déroule la dernière étape de la fabrication d’une pièce nucléaire après la coulée du lingot et le forgeage. Framatome se rapproche alors de la société Seeb [1], basée en Saône-et-Loire. En 2001, Framatome et Seeb créent ensemble l’UIGM. Seeb en détient 60 % du capital et Framatome, devenu Areva, en conserve 30 %. (...)
Mais très vite, les difficultés s’accumulent. En septembre 2002, l’UIGM accuse plus de 200.000 euros de perte nette. Jean-Claude Lajugie, PDG de Seeb et dirigeant l’UIGM, décide de passer la main. Il se tourne vers France Essor, dirigé par Michel-Yves Bolloré. France Essor s’est implanté en Saône-et-Loire en 2000 en rachetant deux sociétés industrielles du département, la Sfar et la Civad.
M. Lajugie avait déjà eu affaire à M. Bolloré moins de deux ans auparavant. « La Sfar avait été un concurrent pour le rachat de l’UIGM, et un candidat malheureux », dit-il à Reporterre. « Il n’avait pas digéré le fait que nous ayons remporté l’affaire. » (...)
« l’ancien directeur du Creusot, qui faisait partie du directoire de Framatome, était un gars bien. C’est avec lui que j’avais négocié le plan de cession. Il a fait ce qu’il fallait et a écarté l’offre de Bolloré. C’est quand ce monsieur est parti à la retraite que tout est parti en couille ». (...)