
La violence doit évidemment cesser, mais la révolte des gilets jaunes doit être une chance de lier transition écologique et justice sociale.
L’urgence de la transition écologique est la même que l’urgence sociale. On ne peut dissocier l’une de l’autre il n’y aura pas de transition écologique sans justice sociale et la justice sociale impose la transition écologique.
Il est tragique que le point de départ de la révolte des gilets jaunes ait porté sur la taxe carbone. Cela s’explique par le coût des carburants devenu insupportable pour nombre de nos concitoyens qui ne peuvent se passer de leur voiture. Mais, si cette taxe a été le détonateur, elle n’est évidemment pas la cause de la révolte actuelle.
Le moratoire- était inévitable même s’il n’était pas susceptible de calmer la colère des gilets jaunes qui remettent en cause le système, c’est-à-dire des années de réduction de leur niveau de vie et de croissance des inégalités. L’annulation est une faute grave, les commentaires autour des raisons qui ont fait hésiter le pouvoir autour de la taxe carbone sont catastrophiques. En effet, les tergiversations de l’exécutif n’avaient pas pour cause l’abandon d’un élément majeur de la transition énergétique ; ils avaient pour cause le déficit des finances publiques ! Ce qui ne fait que conforter l’idée que la taxe carbone était un choix de finances publiques et non de transition écologique celle-ci n’étant en réalité qu’un prétexte pour réduire le déficit de l’État. (...)
la transition ne peut s’accompagner que de justice sociale et fiscale. Ce n’est manifestement pas le cas lorsque la fiscalité indirecte prend le pas sur la fiscalité directe sans qu’aucune mesure de compensation liée à la situation financière des contribuables ne soit prise en compte. La transition doit être possible ce qui signifie que financièrement nos concitoyens doivent pouvoir y faire face. Or, une comptabilité intelligente, qui intègre les coûts et les avantages externes, permettrait très vite de constater l’avantage collectif qu’il y à dépenser dans la transition énergétique pour économiser. (...)
Malheureusement, tant que Bercy qui est responsable d’une situation financière totalement dégradée, d’une fiscalité aberrante et d’un chômage de masse continuera à être à la manœuvre, rien ne changera. C’est probablement là que doit se faire la première réforme institutionnelle, sans doute moins visible pour nos concitoyens que d’autres mais infiniment plus efficace. La mainmise des grands corps de l’État sur tous les choix y compris par la direction de grandes entreprises anciennement publiques est un drame français qui qui nous a conduit à l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. (...)
Les gilets jaunes sont pour l’essentiel ceux de nos concitoyens qui travaillent mais dans l’extrême difficulté et sur les épaules desquels repose une grande part de nos activités. N’oublions pas non plus tout ceux sans lesquels la France ne pourrait pas fonctionner et qui sont pourtant sous-payés et peu considérés : policiers, magistrats, infirmiers, personnels hospitaliers, enseignants dont les moyens et les salaires ont été bridés depuis des années rendant difficile l’accès aux services publics qui bénéficient d’abord précisément aux plus modestes d’entre nous. (...)
C’est avec cette France qu’il faut fixer les bases d’une transition inévitable, qui nous est imposée par les dérèglements que l’humanité s’est crée à elle-même. La bonne nouvelle c’est que cette transition est riche d’emplois, de nouvelles activités, d’une meilleure vie parce que dotée de sens, de santé et de rapport à la nature et aux autres. Mais, tout ceci est aujourd’hui inaudible en particulier parce qu’il n’y a aucune cohérence dans l’action publique. (...)
Les exemples de projets contre-productifs, très peu créateurs d’emploi (sauf pour le BTP mais, cette activité pourrait servir à créer les infrastructures indispensables à la transition et à réaliser un programme très ambitieux de rénovation des bâtiments) sont légion et c’est la raison pour laquelle la conversion de la France à la transition écologique est purement virtuelle. (...)
Changeons de cap. Négocions avec l’Union européenne l’exclusion de tous les investissements en faveur de la transition de la fameuse règle des 3%. Créons un fonds ouvert aux particuliers, hors droits de succession comme la forêt, qui permettrait de bloquer durant 30 ans des fonds uniquement destinés à financer une transition indispensable pour tous. Innovons en matière financière pour multiplier les tiers-payeurs capables de préfinancer les transformations indispensables pour tous nos concitoyens qui ne peuvent assumer le préfinancement. Les solutions sont très nombreuses et pour la plupart connues. (...)
Changeons de cap, modifions la Constitution non pas pour réduire les pouvoirs du parlement mais pour accroître ceux des citoyens ; voilà des années que certains dont je fais partie réclament des modifications simples : référendum d’initiative populaire réel, train de décentralisation avec un renforcement des droits des citoyens au niveau local, proportionnelle, reconnaissance du vote blanc etc.
La violence doit évidemment cesser et c’est un préalable car il ne peut y avoir de démocratie sans respect de l’ordre républicain. Mais, cette révolte des gilets jaunes doit être regardée comme une chance de mettre les sujets sur la table, de sortir d’une forme de mépris de ceux qui croient tout savoir, de lier transition écologique et justice sociale et de faire en sorte que notre pays qui a tous les atouts puisse devenir réellement un exemple réussi de ce double objectif dont l’urgence est évidente.