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La théorie du grand remplacement ou la démographie de comptoir
Article mis en ligne le 11 avril 2022
dernière modification le 10 avril 2022

Une lecture attentive des chiffres relatifs à l’immigration invalide la théorie du grand remplacement à l’horizon 2050, et invite à recentrer la réflexion sur les enjeux réels des migrations.

Pour le démographe Hervé Le Bras, il n’y a pas de « grand remplacement » à venir. L’immigration d’origine musulmane ne se substituera pas aux populations natives en Europe ou en France pour devenir majoritaire à l’horizon 2050 (ni 2060, d’ailleurs). Les sondages, qui se sont multipliés récemment et laissent penser qu’une majorité de Français pourrait croire à une telle théorie, révèlent surtout une méconnaissance des ordres de grandeur. La réalité des chiffres, éloignée des démonstrations fantasmatiques qui ont souvent cours, interdirait sinon de juger crédible une telle prévision.

Où le grand remplacement prend-il son origine ?

Avant d’en venir aux chiffres, Hervé Le Bras retrace l’histoire de ce terme, ou plutôt de cette peur, dont il repère l’origine dans la comparaison de la natalité française avec celle de l’Allemagne après la défaite de 1870. À l’époque, cette faible natalité et l’entrée d’étrangers, que l’on commence à ranger dans des catégories plus ou moins menaçantes, sont dénoncées comme faisant courir un risque au pays.

Puis, une fois admis, comme un acte de foi, que la menace s’est concrétisée, ou tout au moins que le « grand remplacement » est en marche, la rhétorique de ses propagateurs, Renaud Camus en tête, s’est concentrée sur les causes internes et externes qui l’ont fait advenir, parfois à grand renfort de citations approximatives ou apocryphes, de Boumédiène à Giscard en passant par De Gaulle. La statistique a alors moins d’importance ; il suffit d’en croire ses yeux, nous dit Renaud Camus. Cela tombe bien car les prévisions dramatiques (de Jacques Lesourne ou du Figaro Magazine) de l’année 1985, qui avaient pu, un temps, nourrir la démonstration, ont depuis été contredites par les faits.

Quelles prévisions à l’horizon 2050 ? (...)

Le grand remplacement n’est pas le problème. Ce qui ne veut pas dire que l’immigration n’en pose pas. La concentration d’immigrés peut atteindre en certains endroits des niveaux très élevés. Ainsi, les immigrés d’origines magrébine et turque constituent par exemple 11 % de la population totale en Seine-Saint-Denis. Dans certains quartiers de La Courneuve, d’Aubervilliers et de Clichy-sous-Bois, comme le montre une étude de France Stratégie de 2020 et son outil cartographique, la proportion d’immigrés nés hors d’Europe dépassait, en 2017, 60 % de la population âgée de 25 à 54 ans, alors qu’elle tournait autour de 40 % en 1999. (...)

On sait également que ces concentrations ne sont pas corrélées à la proportion des votes en faveur du Rassemblement National, toujours d’autant plus élevée localement que les immigrés sont moins nombreux.

Cela dit, le thème du grand remplacement permet aux politiques et aux médias de propulser la question migratoire sur le devant de la scène, de la faire remonter dans les préoccupations des Français, explique Le Bras. La question est alors de savoir comment s’en dépêtrer, en particulier si l’on pense qu’il faut écarter les fantasmes pour s’atteler aux problèmes. Celle-ci reste entière et tout à fait préoccupante.