
(...) Il y a quelques mois encore, les passeurs quittaient quotidiennement la ville d’Agadez au grand jour, au volant de véhicules remplis de migrants originaires d’Afrique de l’Ouest, et empruntaient des routes bien identifiées pour acheminer leur cargaison humaine au nord des frontières nigériennes, en Libye ou en Algérie.
Aujourd’hui, les principales routes menant à ces frontières, situées au sud du Sahara, sont surveillées par des patrouilles de soldats.
En outre, des officiers de police sillonnent les ruelles d’Agadez et arrêtent les migrants et les passeurs qu’ils croisent, confisquent des véhicules et ferment les maisons où les passeurs regroupent les migrants en attendant le jour du départ. A Agadez, on les appelle les « ghettos ».
« Plus rien ne fonctionne », a dit à IRIN Mahamed Alhousseini, un conseiller d’Agadez. « L’économie de la ville est en ruines à cause des mesures répressives prises pour lutter contre la migration et qui ont été dictées à notre pays par l’Europe ».
L’importance d’Agadez, grande plaque tournante des réseaux de passeurs de migrants ouest-africains qui tentent de rejoindre l’Europe via l’Algérie et la Libye, n’a pas échappé aux décideurs politiques européens. L’accord signé par la Turquie et l’UE, et la fermeture des frontières dans les Balkans ont peut-être freiné le nombre d’arrivées en Grèce depuis la Turquie, au moins pour l’instant. Mais, en 2016, la route de la Méditerranée centrale a été empruntée par 181 000 migrants et demandeurs d’asile qui souhaitaient rejoindre l’Italie, ce qui constitue un chiffre record. La majorité d’entre eux seraient passés par Agadez à un moment ou à un autre de leur périple.
La carotte et le bâton
Au plus fort de la vague d’arrivées des migrants et des demandeurs d’asile en Europe à la fin de l’année 2015, l’UE a créé le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique – un programme d’aide d’un montant de deux milliards de dollars visant à s’assurer la coopération des pays africains dans la lutte contre la migration illégale. Le Cadre de partenariat avec les pays tiers, adopté au mois de juin 2016, va plus loin : il prévoit non seulement des aides et des accords commerciaux pour les principaux pays d’origine et de transit qui participent à la réalisation des objectifs de l’UE de réduction de la migration, mais aussi des « incitations négatives » pour les pays qui ne coopèrent pas.
Le Niger a été identifié comme l’un des cinq « pays partenaires prioritaires ». (...)
un bureau extérieur chargé de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) établi à Agadez a commencé à fournir des équipements et des formations sur « la migration et les techniques de renseignement et d’arrestation » aux forces de sécurité locales. (...)
L’utilisation de voies détournées expose les migrants à plus de dangers, et les informations faisant état de décès dans le désert se multiplient depuis l’adoption des nouvelles mesures restrictives. Afin d’éviter les contrôles et les arrestations, les migrants et les passeurs n’empruntent plus les principales routes de passage et se déplacent de nuit, ce qui rend la traversée déjà périlleuse du Sahara encore plus risquée. Au cours des dernières semaines, les médias locaux ont rapporté qu’au moins 38 corps avaient été trouvés dans le désert. (...)