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La semi-liberté, une alternative pour réapprendre à vivre après la prison ?
Article mis en ligne le 21 janvier 2013
dernière modification le 17 janvier 2013

La France est aujourd’hui un des plus mauvais élèves en matière de récidive : 63 % des personnes détenues ayant achevé leur peine sans aménagement sont à nouveau condamnées dans un délai de cinq ans. Les aménagements de peine, qui aident à la réinsertion, sont-ils une solution ? La semi-liberté permet-elle de réapprendre à vivre libre ? Pas simple à mettre en œuvre quand les moyens font défaut, que les professionnels sont débordés et les détenus livrés à eux-mêmes.

(...) Il quitte la prison à 8 heures tous les jours, pour ne rentrer que le soir, à 18 heures tapantes. Pendant six mois, Daniel [1], 49 ans, est partagé entre le dedans et le dehors. Sa cellule et le commencement d’une nouvelle vie, à l’extérieur. Après 15 ans d’incarcération pour crime, le juge lui a accordé la semi-liberté, un aménagement de peine lui permettant de quitter l’établissement pénitentiaire en journée, afin de préparer sa réinsertion dans la société. Ce régime concerne aujourd’hui 1 903 détenus, sur les 67 674 écroués [2]. Et ne peut s’adresser qu’à des cas bien particuliers : lorsque la peine prononcée est inférieure ou égale à deux ans d’emprisonnement, ou lorsque le juge décide, après demande du détenu, qu’une détention peut se poursuivre en semi-liberté. En attendant la liberté, la vraie.

Pendant cet aménagement de peine, Daniel doit respecter plusieurs obligations, comme rechercher un emploi, suivre un traitement médical et respecter les horaires. Des conditions simples en apparence, mais qui peuvent rapidement se compliquer, dans un système encore flou. (...)

Manque de magistrats, de travailleurs sociaux, surpopulation des centres de semi-liberté : les imperfections de ce système sont encore trop nombreuses.
(...)

« A Gagny (Seine-Saint-Denis), le taux d’occupation du centre de semi-liberté est de 204 %, avec 48 places pour 98 détenus », dénonce François Bès, de l’Observatoire international des prisons (OIP). (...)

Avant d’obtenir un aménagement de peine, Daniel avait effectué plusieurs petits boulots pour gagner de quoi vivre plus ou moins sereinement en prison. Au moment de sa première sortie, il ne lui restait que 186 euros. Avec lesquels il devait tenir trois mois, le temps de toucher son premier RSA...

« Trois mois à crever la dalle », raconte-t-il. « Je mangeais un jour sur deux, une demi-baguette, ou parfois rien, et j’attendais le soir pour dîner à la Santé.  » Lorsqu’il partait le matin, Daniel avait deux choses en tête : monter un projet professionnel et manger. Le reste, « c’était le plaisir des yeux ». Il redécouvrait Paris, sans argent, mais avec un semblant de liberté. (...)

«  L’administration pénitentiaire délègue beaucoup aux associations. Tout le monde est surchargé de travail administratif et les CPIP (conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation) sont débordés. » Ces derniers doivent effectuer des tâches administratives de plus en plus complexes, tout en assumant leur rôle de travailleur sociaux. (...)

« Un grand écart qui ne va pas pouvoir durer », selon Claude Charamathieu, qui demande un renforcement des personnels administratifs dans son service. (...)

Un conseiller pénitentiaire gère une centaine de « dossiers » et essaye de voir chaque détenu régulièrement. Parfois une fois par mois seulement, faute de temps. Car ces 4000 fonctionnaires du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), rattachés au ministère de la Justice, sont chargés de l’accompagnement de tous les détenus. Ils doivent veiller au respect des obligations qui lui sont imposées, l’aider à préparer au mieux sa sortie, à chercher un logement, du travail, en lien avec les associations... Et rendre compte au juge d’application des peines, qui peut décider le cas échéant de mettre fin à l’aménagement de peine. Un travail essentiel, qui demande du temps et des moyens, (...)

« Le bracelet électronique pourrait être une bonne alternative si c’était doublé d’un suivi social, mais ce n’est pas le cas », estime François Bès.

C’est pourtant cet aménagement de peine qui a connu l’augmentation la plus importante ces dernières années [5]. Entre 2005 et 2010, le nombre de bracelets activés a été multiplié par six, passant de 709 à 4489 ! Tandis que la semi-liberté et les placements extérieurs ont connu une hausse plus modérée.