
La réforme présentée par Luc Châtel est de bien mauvais augure pour l’enseignement de l’histoire-géographie au lycée et celui des sciences humaines et sociales (SHS) en général. Contrairement à la grande envolée médiatique qui a suivi l’effet d’annonce ministériel, le problème est loin de pouvoir se limiter à la suppression du caractère obligatoire de l’histoire-géographie en Terminale scientifique. Concentrer l’attention sur ce dernier point révèle un point de vue pour le moins réducteur et élitiste. Car l’enjeu de la réforme en cours est beaucoup plus lourd de sens pour l’avenir de nos disciplines. Nous proposons ici une lecture aussi large que possible des multiples enjeux que soulèvent les différents axes de l’opération rondement menée par le ministère Châtel contre les SHS au lycée.
...L’effet d’annonce ministériel ne vise donc qu’à vanter les compétences « méta-universitaires » des professeurs de terminale, mais l’objectif de renforcement des relations entre lycée et Université n’est à ce jour qu’une pure déclaration de principe. Notons que les taux d’échec ne sont pas si élevés à l’université si on ne retient que les bacheliers généraux mais qu’ils explosent lorsqu’on intègre les bac professionnels et technologiques. C’est donc donc un piètre prétexte de réformer les séries générales pour répondre à l’échec dans certaines licences.....
...court-circuit volontaire des instances traditionnelles de délibération et de régulation : composition précipitée d’une commission restreinte d’experts, audiences formelles des associations et syndicats, consultation des enseignants pendant la période de congés d’hiver s’étalant sur quatre semaines, mainmise continue du ministère sur l’avancement du groupe d’experts... tout cela alors que les programmes sont déjà aux mains des éditeurs qui ont lancé la préparation de leurs nouveaux manuels...
...La sociologie, quant à elle, se voit reléguée au rang d’accessoire, supplément d’âme d’un économisme omnipotent. ...
...Les Sciences humaines et sociales véhiculeraient-elles des contenus subversifs ? En affirmant par exemple que l’appréhension du passé montre que des hommes et des femmes en action ont fait changer le monde ? En rappelant qu’une société s’appréhende par l’analyse des mobilisations d’acteurs sociaux et pas seulement par la projection comptable de ses futurs acteurs économiques ? En affirmant enfin que la culture commune véhiculée par l’école ne s’achète pas comme un bien de consommation mais se construit collectivement ?...