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« La réduction du temps de travail est une condition sine qua non de l’égalité femmes/hommes »
Article mis en ligne le 26 juillet 2016
dernière modification le 21 juillet 2016

Le passage à une semaine de 4 jours est-il vraiment la solution au chômage ? C’est en tout cas une de celles proposées Pierre Larrouturou et Dominique Méda dans leur livre Einstein avait raison, il faut réduire le temps de travail. Un recueil de solutions concrètes toujours « au prisme de l’égalité femmes/hommes ». Entretien avec Dominique Méda.

C’est une guerre idéologique. La réduction du temps de travail (RTT) est peu à peu devenue un tabou à gauche et une hérésie à droite. Comment la réhabiliter et faire prendre conscience aux citoyens qu’elle est la marche à suivre ? Avec Einstein avait raison, il faut réduire le temps de travail, l’économiste Pierre Larrouturou, co-président de Nouvelle Donne, et la sociologue Dominique Méda signent un livre accessible à tous, très documenté, un livre pour « lutter contre le découragement », « prouver qu’il est possible de sortir du chômage ». (...)

« travailler moins pour travailler tous » est-il possible, dans une société où des millions de chômeurs ne travaillent pas et où d’autres se surmènent à plus de 40h par semaine ? Utopique, pour certains qui voient le drapeau rouge en toile de fond. Courageux, disent les co-auteur.e.s qui ne perdent pas espoir en la fin du « RTT bashing ». (...)

Dominique Méda : La réduction du temps de travail à 32 heures par semaine, bien menée, peut être un des éléments d’une politique très créatrice d’emplois durables, d’autant plus si elle s’accompagne d’un plan de formation/requalification et de l’engagement dans la reconversion écologique.

On constate que les lois de réduction du temps de travail (RTT), qu’il s’agisse des lois Robien ou Aubry, ont été très bénéfiques, contrairement à ce que l’on entend depuis 15 ans. Les lois Robien ont été créatrices d’emplois mais comme la mise en œuvre reposait sur le volontariat, les choses allaient trop lentement. Quant aux lois Aubry, elles ont permis la création d’au moins 350 000 emplois directement imputables à la RTT, et ont accompagné une dynamique qui a engendré deux millions d’emplois entre 1998 et 2002 ! Du jamais vu !

Mais ce processus a été saboté, ralenti du fait de la deuxième loi qui a abandonné la condition de création d’emplois, puis interrompu en 2002. De ce fait, l’intégralité des bénéfices attendus n’a pas pu être obtenue. (...)

Notre proposition consiste à accorder aux entreprises qui réduisent le temps de travail de leurs salariés à 32 heures – de 10% – et qui créent 10% d’emplois, une exonération de cotisations sociales de 10% du salaire brut la première année et de 8% ensuite, en régime de croisière, de manière permanente. Ces 8% sont la somme des 6,4% de cotisations au régime d’assurance chômage et d’autres cotisations. Nous considérons donc que les 100 milliards de dépenses engendrées par le chômage vont être utilisés pour financer cette réduction du temps de travail qui entraînera – comme au moment des 35 heures – une augmentation des cotisations sociales, des recettes fiscales et des taxes diverses grâce au retour à l’emploi de centaines de milliers de personnes. Eric Heyer a pu ainsi montrer que les 35 heures avaient été une des politiques d’emploi les moins coûteuses, 9 000 euros net par emploi créé. (...)

nous prenons pleinement en compte les évolutions du progrès technique en proposant d’y adapter le volume de travail disponible : nous ne tranchons pas entre les travaux qui annoncent que la moitié des emplois actuels auront disparu dans dix ans et ceux qui, dans la logique schumpétérienne, pensent que de nouveaux emplois seront créés. Nous sommes méfiants vis à vis des thèses qui voient dans la révolution technologique un moyen d’entrer dans une nouvelle ère de croissance.

Nous constatons simplement qu’une partie importante du chômage vient de l’insuffisante réduction du temps de travail dans les années 1980 et 90 et qu’il importe de partager constamment le volume de travail disponible à un instant T sur l’ensemble de la population en âge de travailler. Nous voulons substituer au partage sauvage actuel, un partage civilisé, organisé de manière à ne pas laisser tant de gens sur le bord de la route. D’autant que le chômage, outre ses effets directs, a pour conséquence de peser sur le partage salaires/profits et sur les conditions de travail. (...)

La réduction du temps de travail favoriserait donc l’égalité femmes/hommes ?

Oui. Ici, très clairement, on a deux solutions opposées : ou bien le temps partiel réservé aux femmes, qui entrave quasi systématiquement leur présence dans l’emploi, leur carrière, leur indépendance financière ; ou bien la réduction de la norme de travail à temps complet (la durée normale de travail), pour tous et toutes, ce qui devrait permettre une nouvelle répartition des activités domestiques, familiales et professionnelles entre les hommes et les femmes. C’est pour cela que nous disons que la RTT est une condition sine qua non de l’égalité femmes/hommes.

L’enquête « RTT et modes de vie », à laquelle j’ai participé avec Marc-Antoine Estrade, a mis en évidence que les parents de jeunes enfants leur avaient consacré plus de temps, et les pères de façon tout à fait nette. Dans cette enquête et dans les entretiens que j’ai pu mener sur le sujet, il apparaissait clairement que lorsque les pères récupéraient des jours de RTT et que les femmes travaillaient à temps plein, un retournement dans la répartition des rôles se produisait. Clairement, les pères s’investissaient plus dans la vie familiale. (...)