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le Monde
La quantité de produits partis en fumée lors de l’incendie à Rouen revue à la hausse
Article mis en ligne le 5 octobre 2019

Il n’y a pas que cette odeur de fioul et de pneu brûlé qui persiste au fond de l’air à Rouen. Dix jours après l’incendie de l’usine Lubrizol, classée Seveso seuil haut, dans la nuit du 25 au 26 septembre, il y a aussi les doutes, la méfiance, et les zones d’ombre. Chaque communication des autorités semble amener autant de nouvelles questions que de réponses. En témoigne la conférence de presse du vendredi 4 octobre : au milieu d’un certain nombre de résultats d’analyses rassurants, le préfet a annoncé que la quantité de produits partis en fumée n’était pas de 5 253 tonnes comme communiqué mardi.

une grande partie du site de l’entreprise mitoyenne, Normandie Logistique, non classée Seveso, a également été ravagée par les flammes – ce qui n’était pas apparu jusqu’alors de façon explicite. (...)

« Mais, attention, ce n’est pas le même type de produits qu’à Lubrizol », s’est empressé de préciser le préfet de Normandie, Pierre-André Durand. (...)

Avant d’annoncer quelques minutes plus tard, à la surprise générale, que Normandie Logistique hébergeait également des produits « de chez Lubrizol ». « Ils étaient là de manière déportée, avant d’être rapatriés sur le site de Lubrizol », a-t-il précisé, indiquant avoir ouvert une enquête administrative pour savoir si cette situation était « régulière ou pas ». (...)

Pressées par les journalistes, les autorités ont reconnu qu’il y avait là « un point de vigilance » et des questions encore sans réponse (...)

En attendant les réponses de l’entreprise, les autorités ont mis en ligne à des fins de « transparence » l’inventaire des produits stockés. On y apprend ainsi que 4 157 tonnes sont des « produits Lubrizol », répartis dans les trois entrepôts. Il est question de « 12 700 fûts ». La préfecture explique qu’il s’agit de « matières premières et des produits finis », ce qui ouvre une infinité de possibilités. Etaient également stockés 3 000 litres de gazole non routier (combustible pour engins de manutention) ou encore 63,6 tonnes de bitumes. De quoi alimenter encore la colère et l’inquiétude de la population. (...)

Braqués sur Lubrizol depuis dix jours, les regards assaillent désormais Normandie Logistique. (...)

Guillaume Blavette, administrateur de France Nature Environnement (FNE) en Normandie, se dit « sidéré » : « C’est la Russie de Poutine, où les magnats de l’industrie font ce qu’ils veulent ? ». " Cela ressemble aux vieilles méthodes des industriels qui, pour déclarer moins de produits et échapper aux contrôles, en stockent sur les sites d’autres entreprises. » (...)

D’habitude accessible, Christian Boulocher, son directeur, par ailleurs président de l’Union portuaire rouennaise, ne peut plus être joint directement : l’entreprise a fait appel à une agence de communication parisienne, Burson Cohn & Wolfe. (...)

Ajoutant encore au flou général, les salariés de Lubrizol ne veulent pas s’exprimer. Tous ceux que Le Monde a contactés ont décliné, disant avoir reçu « des consignes » de la direction. L’intersyndicale CFDT, CFTC, CFE-CGC n’avait pas non plus pris la parole. Elle a finalement publié un premier communiqué vendredi soir. « Nous sommes choqués par cet incendie et les extrapolations médiatiques qui en sont faites, écrivent les délégués syndicaux. Nous n’arrivons pas à nous expliquer [son] départ (…). La sécurité est un des piliers de notre culture d’entreprise », insistent-ils. Ils vont faire appel à une expertise indépendante pour évaluer l’impact de l’incendie sur la santé des employés du site. (...)

Les Rouennais restent sur le qui-vive. Vendredi, quand une institutrice a découvert, dans sa cour, un objet « non identifié » de 1 cm2, décision a été prise de fermer l’école élémentaire Benjamin-Franklin. A la demande de 100 requérants et de l’association Respire, la juge des référés du tribunal administratif de Rouen a par ailleurs nommé un expert en produits chimiques et industriels pour procéder à « un constat des conséquences environnementales » de l’incendie. (...)

Alors que l’Assemblée nationale a déjà ouvert une mission d’information, le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, a déposé une proposition de résolution, cosignée par l’ensemble des autres présidents de groupes politiques, afin de créer une commission d’enquête transpartisane. Pour comprendre, notamment, les conditions dans lesquelles l’Etat contrôle les installations classées et prend en charge les accidents qui y surviennent.