
COMPTE-RENDU DE LA COMPARUTION IMMÉDIATE (REFUSÉE) DU CAMARADE INTERPELLÉ LE 1er MAI A RENNES
Ce mercredi 2 mai, un camarade était déféré au tribunal correctionnel de Rennes après 24H de GAV et une arrestation particulièrement musclée sur le pont de Bretagne lors de la manif du 1er mai.
Ce dernier n’ayant pas pu contacter les avocats de la Défense Collective, il est défendu par une commis d’office raccrochée quelques heures avant l’audience, dont l’engagement plutôt désastreux aura des conséquences importantes sur le déroulement du procès et son contrôle judiciaire.
Tandis que la tempête médiatique bat son plein sur les affrontements à Paris, le contexte de la manif rennaise est présentée par la juge sur un mode étrangement minimaliste : avant même que le cortège étudiant ne rejoigne celui des syndicats, les forces de l’ordre chargent pour scinder le « cortège du devant » de celui de derrière, sans donner la moindre précision sur le sens de cette attaque.
Elle évoque de manière très vague des « coups de pied et des coups de poings » donnés aux flics lors de leur charge brutale, et entretient volontairement la confusion sur les auteurs potentiels des coups (elle parle « des gens », puis de l’inculpé, sans la moindre distinction…)
Ce dernier est accusé des chefs-d’inculpation suivants :
Violence sur agent sans Interruption Temporaire de Travail
Rébellion
Refus d’empreintes et ADN
Dissimulation volontaire du visage sans motif légitime, afin de ne pas être identifié lors de manifestations sur la voie publique faisant craindre des atteintes à l’ordre publique
Deux prétendues victimes, des gardes mobiles, seraient concernées par les actes de violence, et un seul porterait plainte.
L’offensive des juges
De manière prévisible lors des comparutions immédiates, la juge peste contre le manque de coopération du camarade dans le travail de police mené contre lui : comme il en a parfaitement le droit, il a gardé le silence lors des auditions et a refusé l’enquête sociale (qui est un interrogatoire déguisé sur sa vie personnelle mené à charge par des travailleurs sociaux).
Le camarade, qui a manifesté son intention de refuser la compa, est donc attaqué sur ses justificatifs personnels : « vous n’avez pas de garanties de représentations ! » crache la juge, en se plaignant que seul un fichier au Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ) a permis de retrouver une photographie et une adresse chez ses parents (l’inculpé est primo-délinquant), indiquant de fait que les flics ont galéré et n’ont probablement pas eu accès aux registres d’état civil le soir du 1er mai…
L’avocate (un peu abasourdie) lui indique cela est parfaitement faux, et qu’elle vient justement d’apporter des garanties complètes : pièce d’identité, carte étudiant, justificatif de logement CROUS…
La juge, visiblement convaincue que les documents ne pourraient être que des faux, ne cesse de pinailler : s’il a un logement étudiant, il doit effectivement l’être, ce qui n’empêche pas une juge assesseure de lui demande sa filière, comme s’il s’agissait d’un élément déterminant pour prouver la véracité de sa situation.
On voit là toute l’importance d’avoir des garanties au propre et à jour : faute de pouvoir attaquer les inculpés sur le fond du dossier lorsqu’ils refusent la comparution immédiate, les juges et les procureurs s’en prennent à eux sur les moindres détails des justificatifs fournis.
Visiblement à court d’arguments juridiques solides pour justifier l’envoi du camarade en détention provisoire, la juge va lui tendre un piège : sur la question de ses examens qui pourraient être (au hasard) menacés par une incarcération, elle arrive à lui faire expliquer qu’à cause du blocage, il existerait deux modalités possibles d’évaluation : des examens fixes, et des devoirs maison en cas d’impossibilité.
Le camarade, conscient du traquenard, précise bien qu’il compte passer ses examens sur la fac.
L’assesseure, alliant fourberie et travail de renseignement, clame alors qu’il y a une contradiction entre le fait de passer ses examens et de bloquer l’université, et essaie de faire avouer au camarade son appartenance au groupe des bloqueurs, sans succès. (...)
« L’espace carcéral comme lieu d’apprentissage et d’émancipation », le nouveau mot d’ordre du parquet
La procureur, elle, prolonge les attaques du juge et réclame le placement en détention provisoire sur la base d’absence de garanties de représentation. Là encore, le manque de combativité de l’avocate sur la validité des documents fournis (avec la suggestion à peine masquée de le renvoyer chez ses parents) offre un boulevard pour enfoncer le camarade.
Après un traditionnel laïus sur le fait de manifester comme « signe d’une bonne démocratie », la proc martèle dans une inspiration pleine de mystique que le camarade, lui, n’est pas un « simple manifestant », catégorie qu’on arrive difficilement à discerner entre le type qui a perdu son adresse après une insolation et une forme commune du plancton marin…
Pour évoquer la « complexité » (synonyme ici de grave dangerosité) du manifestant en question, elle évoque la fouille opérée par les flics : on y trouve des gants, un T-Shirt, des lunettes de soleil, ainsi qu’une obscure liste de matériel prouvant son appartenance aux « organisateurs, au moins de cette manif ».
« Il avait le visage grimé ! » tonne-t-elle, preuve irréfutable à ses yeux qu’il était la pour briser des vitrines, et « casser du flic ». (...)
La procureur, visiblement sensibilisée aux questions de sélection à l’université, propose ensuite que le camarade passe ses devoirs maison en prison. Selon elle, il pourrait alors profiter d’un parloir fugace pour donner son mail à ses parents afin qu’ils transmettent directement ses travaux aux professeurs.
Déterminée à aller jusqu’au bout de ses conseils en matière de révision, elle enchaîne en affirmant sans complexes : « ça ne perturbera pas son avenir, et puis on sait bien qu’en juin, il y a les rattrapages » (...)
Pour conclure cette audience, le procès réel (cette fois-ci) est renvoyé au 17 mai.
En attendant, le camarade vivant pourtant à Rennes se voit interdit d’Ile et Vilaine, domicilié judiciairement chez ses parents dans les Côtes d’Armor avec l’obligation d’un pointage quotidien dans le commissariat de la ville la plus proche.
Sur cette comparution immédiate, refusée par l’inculpé, on a pu assister à ce qui se fait de pire en ce moment dans les tribunaux rennais : des juges qui se chargent de l’accusation et multiplient les pièges retors, qui remettent en question systématiquement les documents fournis par la défense… des procureurs qui considèrent la prison comme un espace de formation alternative… et des commis d’office qui négocient la culpabilité de leur client avant même qu’ils soient jugés sur des faits concrets…
Plus que jamais, ce genre de situation nous rappelle qu’il est indispensable d’avoir des garanties solides et un avocat de confiance pour faire face à ce type de situation. (...)