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‘La prière à la mer’ L’auteur Khaled Hosseini commémore le décès d’Alan Kurdi, le petit garçon syrien retrouvé noyé en 2015.
Article mis en ligne le 18 septembre 2017

Il y a deux ans - le 2 septembre 2015 - un petit Syrien de 3 ans, Alan Kurdi, se noyait en tentant d’atteindre la Grèce. Les images de son petit corps sans vie ont soulevé une énorme vague d’émotion qui a incité d’innombrables personnes à travers le monde à agir.

Khaled Hosseini, auteur des Cerfs-volants de Kaboul et Ambassadeur de bonne volonté du HCR, vient d’écrire La prière à la mer, une lettre imaginaire en forme de monologue d’un père à son fils à la veille d’une traversée en bateau vers l’Europe.

En collaboration avec le HCR, The Guardian a produit et fait de ‘Prière à la mer’ le premier film de réalité virtuelle animée créé à l’aide de Tilt Brush, un outil de peinture 3D en réalité virtuelle. Vous pouvez voir le film ici. Le texte est ci-dessous.

Mon Cher Marwan,

Pendant les longs étés de l’enfance, lorsque j’avais l’âge que tu as maintenant, tes oncles et moi étendions nos matelas sur le toit de la ferme de ton grand-père, dans la banlieue de Homs.

Nous nous réveillions le matin sous le bruissement des oliviers dans la brise, le bêlement de la chèvre de ta grand-mère, l’entrechoquement de ses casseroles, l’air frais et le soleil, couronne pâle de kaki à l’est.

Nous t’y avons emmené lorsque tu étais tout petit. Je garde le souvenir précis de ta mère pendant ce voyage, elle te montrait un troupeau de vaches broutant dans un champ parsemé de fleurs sauvages. J’aurais aimé que tu ne sois pas si petit.
Tu n’aurais pas oublié la ferme, la suie sur ses murs de pierre, le ruisseau où tes oncles et moi construisions les milliers de barrages de l’enfance.

Je voudrais que, comme moi, tu te souviennes de Homs, Marwan. (...)

Mais cette vie, cette époque, semble désormais n’être qu’une imposture, même pour moi, comme une vieille rumeur éteinte. D’abord il y eu les manifestations. Ensuite vint le siège. Le ciel crachant des bombes. La famine. Les funérailles.
Ce sont les choses que tu connais. Tu sais qu’un cratère de bombe peut devenir un trou d’eau pour une baignade. Tu as appris que du sang noir vaut mieux que du sang rouge vif. Tu as appris que des mères, des sœurs et des amis peuvent être retrouvés, petits triangles de peau illuminés par le soleil, brillants dans le noir, entre les fentes étroites du béton et des briques et des poutres apparentes.

Ta mère est ici ce soir, avec nous, Marwan, sur cette plage froide éclairée par la lune, parmi les bébés en pleurs et les femmes qui s’inquiètent dans des langues que nous ne parlons pas. Afghans et Somaliens, Iraquiens, Erythréens et Syriens. Nous tous, avides de l’aube, nous tous, la redoutant. Nous tous, à la recherche d’un foyer. Je l’ai entendu dire, nous sommes les intrus. Nous sommes les indésirables. (...)

Je prie pour que la mer le sache.
Inch’Allah.
Combien je prie, pour que la mer le sache.