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Protection Palestine
La perspective historique du massacre de Gaza de 2014
Ilan Pappé est un historien israélien, de l’université d’Exeter, au Royaume-Uni. Entre autres livres, il a écrit Le Nettoyage ethnique de la Palestine (2007) et L’idée d’Israël (2014).
Article mis en ligne le 25 août 2014

La population dans Gaza et ailleurs en Palestine est déçue par le manque de réaction internationale véritable au carnage et à la destruction que l’agression israélienne a jusqu’à présent laissés derrière elle dans la Bande. L’incapacité d’agir, ou l’absence de volonté, semble être avant tout l’acceptation de la version et de l’argumentation israéliennes pour la crise à Gaza. Israël a développé une version très claire sur l’actuel carnage dans Gaza

Cette tragédie n’a pas été causée par une attaque non provoquée de missiles du Hamas sur l’État juif, et à laquelle Israël, en état de légitime défense, se devait de réagir. Même si les médias occidentaux de grande diffusion, des universitaires et personnalités politiques ont pu émettre des réserves sur la proportionnalité de la force mise en œuvre par Israël, ils n’en acceptent pas moins l’essentiel de cet argument. Cette version israélienne est totalement rejetée dans le monde du cybermilitantisme et des médias alternatifs. Là, il semble que la condamnation de l’action israélienne, en tant que crime de guerre, soit généralisée et consensuelle.

La principale différence entre les deux analyses, ci-dessus comme ci-dessous, est la volonté des militants d’étudier en profondeur et d’une façon plus affinée le contexte idéologique et historique de l’action israélienne en cours dans Gaza. Cette tendance doit même être renforcée et cet article est juste une modeste tentative de contribuer dans cette direction.

Un massacre ad hoc ?

Une évaluation historique et une contextualisation de l’actuelle agression israélienne contre Gaza, comme des trois précédentes depuis 2006, met clairement en évidence la politique génocidaire israélienne. Une politique incrémentielle de meurtres massifs qui est moins le produit d’une intention inhumaine que le résultat inévitable de la stratégie globale d’Israël envers la Palestine en général, et les régions qu’il occupe depuis 1967, en particulier.

Il faut insister sur ce contexte, étant donné que la machine de propagande israélienne essaie encore et encore de présenter sa politique hors de son contexte et de faire du prétexte qu’elle trouve pour chaque nouvelle vague de destruction, la justification principale d’une nouvelle série de massacres aveugles dans les champs de la mort de Palestine.

La stratégie israélienne qui désigne sa politique brutale comme une réponse ad hoc à telle ou telle action palestinienne est aussi vieille que la présence sioniste en Palestine elle-même. (...)

Les moyens pour arriver à cet objectif ont changé avec les années, mais la formule est restée la même : quelle que puisse être la vision d’un État juif, elle ne peut se matérialiser si elle y inclue un nombre important de Palestiniens. Et aujourd’hui, la vision est celle d’un Israël qui couvre presque entièrement la Palestine historique où vivent encore des millions de Palestiniens. (...)

Les décennies passant, Israël a différencié les régions qu’il voulait contrôler directement de celles qu’il gèrerait indirectement, avec l’objectif à long terme de réduire la population palestinienne à son minimum par, entre autres moyens, le nettoyage ethnique et l’étranglement économique et géographique. (...)

Depuis 1994, avant même l’arrivée du Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza, la situation géopolitique très particulière de la Bande indiquait clairement que toute action de punition collective, comme celle qui y est infligée actuellement, ne saurait être qu’une opération de massacres et de destructions en masse. Dit autrement : un génocide incrémentiel. (...)

De le reconnaître n’a jamais empêché les généraux de donner les ordres de bombarder la population depuis le ciel, la mer et la terre. La réduction du nombre de Palestiniens dans toute la Palestine historique reste toujours la vision sioniste ; un idéal qui requiert la déshumanisation des Palestiniens. Dans Gaza, cette attitude et cette vision ont pris une forme plus inhumaine. (...)

Les médias israéliens, eux aussi, ont marché droit, fidèlement, dans la ligne du gouvernement, ne montrant aucune photo de la catastrophe humaine qu’Israël provoquait, et informant le public que cette fois-ci, « le monde nous comprend et est derrière nous ». Cette déclaration est à ce point valide que les élites politiques en Occident continuent d’accorder la classique immunité à l’État juif. L’appel récent de gouvernements occidentaux à la procureure de la Cour de justice de La Haye pour ne pas enquêter sur les crimes d’Israël dans Gaza va dans ce sens. Dans leur majorité, les médias occidentaux ont emboîté le pas et justifié pour une grande part les actions d’Israël.

Cette couverture dénaturée est également alimentée par un sentiment chez les journalistes occidentaux que ce qui se passe à Gaza n’est rien comparé aux atrocités en Iraq et Syrie. Les comparaisons de ce genre sont généralement avancées dans une perspective historique étroite. Un regard plus large sur l’histoire des Palestiniens serait plus de circonstance pour évaluer leur souffrance par rapport aux carnages d’ailleurs.

Conclusion : se confronter au deux poids deux mesures

Mais ce n’est pas seulement une vue historique qui est nécessaire pour une meilleure compréhension du massacre dans Gaza. Une approche dialectique identifiant les liens entre l’immunité d’Israël et les développements atroces qui se produisent ailleurs est également requise.

La déshumanisation en Iraq et en Syrie est générale et terrifiante, comme à Gaza. Mais il existe une différence capitale entre ces exemples et la brutalité israélienne : les premières sont condamnées comme barbares et inhumaines dans le monde entier, pendant que celles perpétrées par Israël sont toujours publiquement autorisées et approuvées par le Président des États-Unis, les dirigeants de l’Union européenne et d’autres amis d’Israël dans le monde. (...)

a seule possibilité de succès pour la lutte contre le sionisme en Palestine est celle qui se fonde sur un programme de droits humains et droits civils, qui ne fait aucune différence entre une violation et une autre, et qui identifie clairement la victime et les agresseurs. (...)