
Quand, en 1919, la jeune Britannique Eglantyne Jebb a décidé de distribuer des dépliants à Trafalgar Square, à Londres, pour protester contre le blocus post-guerre imposé à la Grèce et les graves pénuries de nourriture qui se sont ensuivies, elle a rapidement été arrêtée. Elle a été trouvée coupable, mais les avocats de l’accusation ont été tellement impressionnés par son geste qu’ils ont offert de payer l’amende de cinq livres qui lui était infligée. Cet argent a été le premier don enregistré par Save the Children.
Fondée en 1919, Save the Children était, dans les mots des historiens Peter Walker et Daniel Maxwell, « la première ONG humanitaire transnationale identifiable comme telle ». D’autres lui ont cependant rapidement emboîté le pas. Et les grandes lignes de l’histoire de la fondation de Save the Children – un individu qui n’était pas impliqué dans l’humanitaire, un élan soudain en réponse à une crise spécifique et un petit don qui fait boule de neige – sont devenues familières au fil des ans. La plupart des grandes ONG ont en effet une histoire semblable.
Le site de World Vision raconte que son fondateur, Robert Pierce, a donné les 5 dollars qui lui restaient à une enseignante qui prenait soin d’un enfant abandonné. Celle-ci lui avait demandé ce qu’il comptait faire pour aider.
Oxfam a été fondée par un groupe de citoyens préoccupés menés par l’homme d’affaires britannique Cecil Jackson-Cole – qui a plus tard fondé ActionAid et Help The Aged (aujourd’hui Age UK) – en réponse à un autre blocus, celui-ci mis en place pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’organisation Médecins Sans Frontières a été créée par un petit groupe de médecins et de journalistes en réponse à la crise dans le Biafra.
« La façon dont une organisation est née est importante », indique un groupe d’historiens dans un ouvrage sur l’histoire des ONG britanniques. « Cela peut expliquer la façon dont cette organisation évolue et se perçoit elle-même. Parfois, ces origines deviennent une forme de mythologie qui, subtilement, peut influencer les perceptions du personnel et des bailleurs de fonds. »
Les réalités historiques derrière ces histoires sont cependant plus complexes et plus intéressantes. Elles offrent un aperçu des fondements des organisations et de la façon dont elles se comportent aujourd’hui. (...)
Comme l’écrivent Nicholas Crowson, Matthew Hilton, Jean-François Mouhot et James McKay dans leur ouvrage historique, « de nombreuses ONG ont été le produit de la professionnalisation des classes moyennes, qui a permis la création d’un capital social, culturel et intellectuel considérable ».
Loin de rester des groupes de volontaires dévoués, nombre des grandes ONG se sont rapidement professionnalisées. (...)