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Reporterre
La mafia envahit le marché de l’environnement. Sonia Alfano sonne l’alarme
Article mis en ligne le 29 novembre 2013
dernière modification le 27 novembre 2013

Le crime organisé investit les marchés de l’environnement, alors que des dizaines de milliers de personnes ont défilé le 16 novembre à Naples contre la pollution des terres par la mafia. Dans un entretien avec Reporterre, la députée européenne spécialiste de ce problème, Sonia Alfano, affirme qu’il y a connivences entre le crime organisé et les plus hautes autorités. Elle déplore la passivité des institutions européennes devant l’"écomafia".

(...) Sonia Alfano est députée européenne, présidente de la Commission spéciale sur la Criminalité organisée, corruption et blanchiment de capitaux. Fille d’un journaliste italien assassiné par la mafia en 1993, elle a consacré son activité politique à la lutte contre le crime. Elle est aussi présidente de l’Association nationale des proches des victimes de la mafia.. Elle répond aux questions de Reporterre, alors que samedi 16 novembre, des milliers d’Italiens ont manifesté contre la mafia. (...)

On a structuré une collaboration avec les systèmes judiciaires et d’investigation des pays européens. On a pu démontrer que les organisations criminelles des différents territoires sont bien liées entre elles. Elles s’épaulent sur le trafic de stupéfiants, par des pactes tacites. Par exemple, quand la distribution des drogues par les criminels locaux n’est pas suffisante dans certains lieux d’Europe, la « ndrangheta » [la mafia italienne de la Calabre] intervient.

Mais aujourd’hui, il faut tenir compte des mafias présentes dans les Balkans, ou de celles originaires du Nigeria ou de Chine. Elles sont très organisées et très puissantes. On a présenté un rapport au Parlement européen dans lequel on a expliqué tous ces problèmes.

Si la mafia a été sous-estimée, qu’en est-il de l’écomafia ?

L’environnement est un des « actifs » les plus importants de l’industrie de la mafia. Il y a des nouvelles activités auxquelles la criminalité s’intéresse, comme l’éolien ou le photovoltaïque. La mafia peut opérer plus vite que les entrepreneurs honnêtes ou que les institutions, simplement parce qu’elle s’affranchit des règles. Mais il ne s’agit pas que d’un problème de criminalité.

C’est-à-dire ?

Cela a de grandes conséquences sur la santé publique. Une bonne partie du sud de l’Italie est empoisonnée par des déchets toxiques qui ont été vendus aux organisations criminelles italiennes par des entreprises de certains pays d’Europe du Nord, comme l’Allemagne ou les Pays Bas, pour éviter de payer les tarifs imposés par la loi. (...)

Quelle est donc la solution ?

C’est difficile à dire. Il y a des résistances très fortes. Récemment j’ai proposé au Parlement européen d’introduire le trafic illicite de déchets dans la listes des « Euro-crimes ». J’ai demandé un débat, mais personne n’a répondu. Et l’amendement n’a pas été approuvé.

Pensez-vous que même au sein du Parlement européen, il y ait des connivences avec la mafia ?

Je crois qu’on porte une attention insuffisante à ce problème par ignorance. J’insiste : il faudra trouver forcement une solution. Il faudrait mettre à zéro la politique de certains pays. Si on le fait pas, il sera très difficile d’obtenir un changement. (...)