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La longue histoire de l’invention du travail
#travail #histoire
Article mis en ligne le 20 décembre 2022
dernière modification le 19 décembre 2022

Qu’est-ce que le travail ? Les sociétés occidentales l’ont pensé au fil des siècles comme un échange et une relation. L’historien Olivier Grenouilleau en retrace l’histoire sur le temps long.

Depuis le Néolithique, les sociétés entretiennent un rapport complexe au travail, présenté telle une malédiction ou une voie d’épanouissement. L’historien Olivier Grenouilleau retrace la longue histoire de l’invention du travail dans le cadre des sociétés occidentales, et plus particulièrement européennes.

Olivier Grenouilleau : Il est difficile de retracer la généalogie d’une idée, d’un projet, même pour soi. J’avais auparavant saisi le négociant au travail, traqué les arguments utilisés pour justifier ou critiquer le marché, comparé l’esclavage à d’autres formes d’exploitation de l’homme, sans aborder la question du travail pour elle-même. Il y avait là matière à réflexion. Le cycle consacré aux traites, aux esclavages et à leurs abolitions étant maintenant clos pour moi, je souhaitais écrire un ouvrage sur le premier âge de la prolétarisation. J’ai pensé qu’avant cela il pouvait être utile de réfléchir à la manière dont les Hommes s’étaient représentés le travail.

Car là est l’objet de L’invention du travail. Je ne cherche pas à définir le lieu où le moment où il aurait été inventé (ce qui n’aurait guère de sens), ni à retracer l’évolution des formes du travail (thème largement documenté), mais à comprendre comment les Hommes, à différentes époques, ont pensé et ainsi sans cesse réinventé les significations à accorder au travail.

Et le recul de la longue durée, qui est un peu ma marque de fabrique, me paraissait utile. On imagine en effet trop souvent que nous serions passés par trois temps : une longue période durant laquelle le travail aurait été discrédité, sa valorisation à partir d’Adam Smith et de la révolution industrielle, puis sa remise en cause avec l’entrée dans la postmodernité. Personne ne contestera que le concept moderne de travail soit né à l’époque moderne. Mais cela n’empêche pas d’essayer de comprendre ce qu’il en était ailleurs et avant, en ne se limitant pas à quelques citations de Platon et d’Aristote extraites de leur contexte. On s’aperçoit alors qu’au sein de combinaisons évolutives les Hommes ont toujours associé des significations pouvant paraître répulsives du travail à d’autres plus gratifiantes. (...)

Je montre que, issus des grands récits de nos origines, ou bien de débats historiographiques, les débuts plus ou moins canoniques du travail font toujours référence à ce qui peut être perçu comme un traumatisme.

Le concept moderne de travail est associé à l’affirmation du règne de l’économique, du capitalisme et de l’âge de la prolétarisation (fin XVIIIe et XIXe siècles). Jadis perçu comme un âge béni et l’aube de progrès amenés à ne plus s’arrêter, le Néolithique (avec l’agriculture, l’élevage…) est aujourd’hui souvent interprété comme un âge maudit, avec les débuts du travail, des inégalités, de la guerre et l’entrée dans l’Anthropocène. (...)