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La loi de 1905, légendes et réalités
/Jean Baubérot Professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’Ecole pratique des Hautes Etudes.
Article mis en ligne le 21 novembre 2021
dernière modification le 20 novembre 2021

(...) La « saison 2 » de ma trilogie, La Loi de 1905 n’aura pas lieu : La Loi de 1905, légendes et réalités[1], est maintenant en librairie (et également en version numérique sur le site de la FMSH). Le 1er volume concernait la préparation de la loi, le volume actuel est centré sur sa fabrication, le dernier portera sur son application. Contrairement à une idée reçue, la loi n’avait jamais été « examinée à la loupe » et, moi qui croyais bien la connaitre, j’ai fait des découvertes surprenantes, en effectuant les recherches nécessaires à la rédaction de cet ouvrage.

J’avais eu, pourtant, un fort coup de blues, lors de la parution du premier tome. Immodestement, j’estimais avoir apporté sur neuf, dans cette première étude, sur le « passage à l’acte », transformant la Séparation, qui était l’Arlésienne de la République, en projets de loi (avec deux textes très divergents, celui de la Commission parlementaire et celui de Combes). Pour prendre quelques exemples, non limitatifs, la référence au modèle de la séparation mexicaine, l’importance décisive de la guerre russo-japonaise, la si originale prise de position de Marcel Proust, la pression mise sur Briand par ses « amis » socialistes et radicaux-socialistes à l’automne 1904, … n’avaient jamais été abordées, et la cassure interne du combisme à propos du monopole de l’enseignement (qui aurait instauré une école « laïque, gratuite et obligatoire ») n’avait été traité qu’à la marge, rendant très difficilement compréhensible le passage de l’anticléricalisme d’Etat à la possible adoption d’une loi libérale.

Fort bien, mais tout cela n’était que des hors d’œuvre. Le plat principal : la fabrication de la loi, avait déjà donné lieu à des ouvrages, rédigés notamment par ceux qui ont été mes « maîtres », de grands historiens : Jean-Marie Mayeur, Maurice Larkin, Emile Poulat. (...)

J’ai pu constater des trous étonnants dans les récits des différents historiens : les débats sur la place légitime, en régime de laïcité, de la religion dans l’espace public sont tronqués, voire complètement passés sous silence. Et, très curieusement, aucun d’entre eux ne dit rien d’un projet d’article « 6 bis », qui a pourtant constitué l’enjeu décisif entre deux conceptions de la séparation.

Cette guerre des gauches a été fortement minimisée, y compris (je le montre) dans des ouvrages récents, qui, en idéalisant la loi, ne rendent pas compte de ses enjeux. Rien n’était évident et j’ai eu la préoccupation de ne pas écrire une histoire des vainqueurs, mais de montrer les logiques qui s’affrontent, avec -pour chacune d’entre elles- leur cohérence interne et leurs angles morts. (...)

Et pourtant, après ces cinq années consacrées à décortiquer la loi, à scruter ses coulisses, il me semble toujours qu’il s’agit d’une « loi de liberté », la plus belle des lois élaborées par la Troisième République, un vrai petit « miracle » laïque, pour reprendre l’expression de Buisson.

Cet ouvrage a donc pour but d’expliciter la tension entre l’aspect retors et l’aspect « miraculeux » de la confection de la loi. Le premier aspect (les stratagèmes réussis) ayant permis au second d’aboutir. (...)