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Euractiv
La loi antiterrorisme inquiète les défenseurs des droits de l’Homme
Article mis en ligne le 16 décembre 2017

Le Conseil constitutionnel sera amené dans les prochains mois à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi antiterrorisme. Le texte, qui prolonge certaines mesures de l’état d’urgence, inquiète juristes et défenseurs des droits de l’Homme.

Plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) visant la nouvelle loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » (SILT) sont pendantes devant le Conseil constitutionnel. Quatre d’entre elles ont été émises par la Ligue des droits de l’Homme et visent des mesures héritées de l’état d’urgence.

« Nous devions sortir de l’état d’urgence », expliquait Emmanuel Macron aux juges de la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg le 30 octobre 2017. Le lendemain, la France est de fait sortie de l’état d’exception. La mesure temporaire, décidée par François Hollande au soir des attentats du 13 novembre 2015, avait été reconduite à 6 reprises, faisant craindre à certains défenseurs des droits de l’Homme un « état d’urgence permanent ». Des craintes relayées par l’ONU : « La normalisation des pouvoirs d’urgence risque de menacer gravement l’intégrité de la protection des droits en France, tant dans le cadre de la lutte contre le terrorisme que plus largement » (...)

Une opinion publique favorable aux restrictions de liberté

Les mesures de l’état d’urgence sont globalement populaires en France. De nombreux sondages attestent d’un assentiment des Français à la restriction de leurs droits fondamentaux, pour des questions de sécurité. La loi antiterroriste semble, pour les mêmes raisons, jouir d’une forte popularité : un baromètre Fiducial/Odoxa, publié à la fin du mois de septembre 2017, rapporte que 85 % des sondés estiment que le texte va améliorer leur sécurité. 9 personnes sur 10 sont favorables à l’idée d’une mise en place de zones de fouilles autour des lieux de rassemblement ainsi qu’à l’élargissement des zones frontalières sur lesquelles des contrôles peuvent être effectués sans motif.

Pourtant, ces mesures héritées de l’état d’urgence que la loi antiterroriste vient inclure dans le droit commun sont très critiquées par les avocats et ONG, qui pointent notamment une disproportion entre les moyens employés et les résultats en terme d’efficacité de la lutte contre le terrorisme. (...)

Le spécialiste des droits de l’Homme émet quelques doutes quant à la constitutionnalité de la loi : « Cette loi prolonge dans le droit commun des mesures issues de la loi de 1955. Le Conseil constitutionnel avait validé ces mesures au regard des circonstances de l’état d’urgence et de leur caractère temporaire, ce qui n’est pas le cas de la nouvelle loi » affirme-t-il.

Trop tôt pour tirer des conclusions

Dans sa QPC, la Ligue des droits de l’Homme conteste également la constitutionnalité de l’article 2 de la loi antiterroriste. Cet article prévoit qu’un lieu de culte puisse être fermé par arrêté préfectoral si des propos, idées ou théories qui y sont diffusés provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination. « L’article va plus loin que l’état d’urgence, qui s’en tenait aux propos tenus, s’alarme Serge Slama. Comment prouver que des lieux de culte diffusent des “idées ou théories” ? On est sur une pente glissante de la répression des idées ».

Deux mois après son entrée en vigueur, « il est beaucoup trop tôt pour dresser le bilan de l’application de la loi, un recul d’un an est un minimum » constate Maître Eolas, contacté sur Twitter. Il est rejoint sur ce point par son confrère, Maître Jeremie Boccara, secrétaire de la conférence des avocats du Barreau de Paris : « Les juges n’ont pas encore eu le temps de s’emparer de la loi et de produire de la jurisprudence » plaide-t-il. (...)

Une fois transmise par le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel dispose de trois mois pour trancher la question qui lui est posée.